TRANSILVANIA ROMÂNEASCÃ


LA TRANSYLVANIE ROUMAINE - N.S. Govora

 

I
LA HONGRIE MILLENAIRE

Sous le titre "Non, non, jamais" en tant que réplique à "Nem, nem, soha" hongrois, dans le journal Cuvântul românesc ("La parole roumaine") du Canada, notre compatriote, M. Nicolas Novac, originaire du Banat, donne une courageuse réponse aux agitations magyares de ces derniers temps aux Etats-Unis. M. Novac y avance deux importants arguments et qui, plus est, sont irrécusables :

a) Les Roumains dont nés et ont vécu en Ardeal (Transylvanie) avant l'arrivée des Magyars lesquels, ajoutons-nous, l'ont occupé à main armée vu qu'à cette époque-là ils étaient plus forts.

b) En Transylvanie, les Roumains sont en majorité, alors que ces mêmes Magyars ont été et sont toujours restés en minorité.

La justice est à nous, mais il faut malheureusement la défendre à tout moment. En fin du livre Justice pour la Hongrie, paru en 1931 sous les presses du journal Pesti Hirlap on peut trouver la liste des opuscules mis au jour de 1920 (Trianon) à 1930 par la propagande magyare : 23 livres et 2 cartes en français, 24 tomes en anglais, 20 en italien et 8 en allemand. Nous répétons, tout ceci rien qu'en dix ans. Personne donc, croyons-nous, ne pourra vraiment nier la vigueur de cette propagande.

Dans son article, tout carrément et gardant l'accent propre à sa province natale, M. Novac écrit : Nous, on ne se préocupe point du nombre de sénateurs et députés aux Etats-Unis, lesquels, en méconnaissance des faits ou bien pour gagner des voix, ont donné leur appui à cette prétention à ce point injuste et chauvine ; car personne n'ignore sans doute que les sénateurs comme les députés des Etats-Unis n'en savent rien pour la plupart quant à l'Histoire de l'Europe. Revenons pourtant à la vigueur de leur propagande. Les Magyars passent maîtres à manier de leur propagande. Les Magyars passent maîtres à manier cette arme et cela depuis belle lurette, plus précisément à partir du règne de Matei Corvin. A l'époque, Etienne le Grand infligea une grande défaite aux Turcs, ce qui lui valut l'admiration de la chrétienté toute entière. L'historien polonais Dlugosz, par exemple, devait écrire en tant que contemporain de ces sombres temps : "Oh! homme incomparable, en rien inférieur aux héros que nous admirons, et qui, le premier parmi tous les princes du monde, en vient à remporter de nos jours une victoire éclatante contre les Turcs", à mon avis le plus digne de figurer en tête d'une coalition de l'Europe chretienne contre les Turcs ("Dugosz", Histoire de la Pologne, II, p. 527). Malgré ces propos enflammé la propagande magyare fit ses effets. Le roi de Hongrie, Matei Corvin s'efforça en effet à s'attirer tout les honneurs et profitant à fond de la victoire du prince moldave fit connaître à d'autres souverains, et notamment à ceux ne pouvant contrôler ses allégations, que ses hommes commandés par son vassal Etienne le Grand venaient de battre une nombreuse armée turque ("Histoire des Roumains de la Dacie Trajane", de A.D. Xenopol, II, pp. 22-29). Ce qui plus est, le roi de Hongrie ayant appris que la trésorerie papale était de nouveau remplie, ne tarda pas d'insister auprès du souverain pontife à ce que l'argent promis à Etienne lui fût remis comme étant son suzerain ; le Pape, connaissant mal les rapports existants entre le roi de Hongrie et le prince régnant de Moldavie livra donc à Matei l'importante somme de 100.000 ducats, que ce dernier entreprit d'utiliser aussitôt à dautres desseins que la guerre contre les Turcs. Voilà cependant ce qu'on peut lire dans "l'Histoire de la Hongrie", d'Henry Bogdan, parue aux Presses Universitaires de France en 1966 : Les succès de Matei Corvin à lOccident ne doivent pas faire oublier que le véritable danger pour la hongrie est le danger turc. Matei réussira en fait à reprendre aux Turcs la Bosnie (1463), la Moldavie et la Valachie (1467) et la Serbie (1482), mais il ne réussira pas à la chasser d'Europe.

Par conséquent Etienne le Grand na pas existé. Et quand même lhistoire dit le contraire -il a existé. Mieux encore, en 1467 exactement, eut lieu à Baïa, en Moldavie, une bataille entre Etienne le Grand et Matei Corvin, lors de laquelle Matei Corvin dut subir une lourde défaite et sauver de justesse sa vie en rebroussant chemin non sans peine du fait de la blessure qu'il y reçut. Puis en 1469, Etienne le Grand, à titre de vengeance, passa en Transylvanie qu'il ravagea sans merci tout en décapitant Petru Aron (prétendant au trône de la Moldavie, soutenu par Matei Corvin) et se refusa à quitter les lieux en attendant que le roi Magyar consentît à lui céder deux de ses châteaux forts transylvains, savoir Ciceu et Cetatea de Baltà (Michowski et Dlugosz, historiens polonais).

Mais les conquérants ne trouvèrent pas sur le territoire de la future Hongrie des groupements politiques disposant de frontières tracées avec précision. Sur ce territoire faiblement peuplé, vivaient des populations mélangées qui avaient échappé aux grandes invasions... (Justice pour la Hongrie). Dans ce même livre, on lit : Les ancêtres du peuple roumain n'avaient rien de commun avec les Daces et d'autant moins avec les Romains qui avaient vaincu ces derniers. Et encore : En Transylvanie, dépeuplée par des guerres de défense, se glissa au long du XIII-e siècle le peuple de bergers de la Valachie, les ancêtres du peuple roumain d'aujourdhui.

Et ce n'est pas tout après cela. Dans La vérité sur les délibèrations préliminaires du traité de Trianon du Dr Etienne Czakò, éditions Danubia, Budapest, 1934, on lit à la page 66 : La Transylvanie devint une possession hongroise au moment même de l'arrivée des Magyars dans ce pays (en 896) et, à partir de cette date, elle ne cessa pas d'être une possession hongroise jusqu'en 1918. Les premiers colons roumains sont arrivés en Transylvanie vers 1210. Et il est publiquement notoire le fait que les Roumains ne sont pas les descendants des Romains et ne sont pas des habitants de la Transylvanie (le soulignement est à nous). On pourrait en tirer les conclusions suivantes :

- Les Romains ont totalement exterminé les Daces après la défaite de Décébale (en 105-106), donc les Daces ne peuvent figurer en tant que encêtres du peuple roumain ;

- Les Roumains se sont tous retirés au sud du Danube, après labandon de la Dacie par Aurélien (en 271) ;

- En y arrivant, les Hongrois ont trouvé une population mélangée et aucun groupement politique disposant de frontières dûment tracées. Mais on hésite à préciser auxquels peuples ces populations mellangées appartenaient-ils ;

- Les Roumains ont passé en Transylvanie en venant de la Valachie, tout au long du XIII-e siècle.

Tâchons d'y répondre. Comme il était normal, une partie de la population dace se soumit aux Romains victorieux. C'est par ailleurs une loi de la nature. Et puis Cassius Dio, l'historiographe des guerres Daces, affirme nettement que plusieurs Daces avaient, au début de la guerre de 105-106, passé aux côtés des Romains (Cassius Dio, LXVII, 11, 1). En outre, la Colonne trajane, véritable chronique sculptée de ces guerres là, étale sept scènes montrant de telles soumissions des Daces aux Romains. L'histoire a pleinement prouvé l'existence de plusieurs corps d'armée formés de Daces : en Noricum, sur le sol de l'Autriche actuelle , il y avait une "Ala I Ulpia Dacorum" ; en Pannonie il y avait une Cohors II Augusta Dacorum pie fidelis veterana milliaria equitata ; une cohorte de Daces Cohors III Dacorum equitata tenant garnison en Macédoine ; aux extrémités orientales de l'Empire, entre l'Euphrate et le Tigre, se trouvait Vexillatio Dacorum Partica ; une autre unité militaire nommée Dicibalus et Diba est mentionnée en Britannia.

Les inscriptions latines découvertes en Dacie signalent des noms de personnes latines, Daces et Dacolatins mélangés. Aussi à Apulum (Alba-Iulia), un certain Mucatra, fils de Bresus, a-t-il, en tant qu'héritier un nommé Mucapor Mucatralis. Tous ceci, se sont des noms Daces. Toujours à Alba-Iulia un Mucasensus Cesorini a comme épouse Rescuturme, fille de Soria. A Potaissa, Valeria Dula est l'épouse d'un Volusias Titianus ; à Cluj on trouve un Aurelius Duda. Une autre inscription rappelle un Aclius Diales auquel Aurelius Ditucentes, son fils, fit ériger une stèle funéraire en guise de reconnaissance. D'autres sources, pour la plupart des inscriptions, font ressortir des noms tels que : Dizo, Duras, Eptala, Tzinto, Costas, Dirigiza, Scorillo. Tous ces noms, purement Daces, prouvent, de manière tout à fait logique, que la fusion daco-romaine, par le biais des mariages mixtes, avait déjà commencé. Le vocabulaire roumain, dautre part, contient à ce qu'on sait jusqu'à présent, de nombreux mots d'origine géto-dace. Citons en quelques uns : buzà (lèvre), ceafà (nuque), grumaz (cou), gusà (jabot), copil (enfant), prunc (bébé), zeste (dot), vatrà (foyer), càtun (hameau), mazàre (petits pois), tarinà (champ labouré), mînz (poulain), strungà (parc à brebis), urdà (sorte de fromage), butuc (bûche, cep), strugure (raisin), gard (palissade), brad (sapin), copac (arbre), barzà (cigogne), mistret (sanglier), rànzà (estomac), a ràbda (endurer), a speria (effrayer), a zburda (gambader) et les suffixes esc et este.

Les Hongrois et leurs défenseurs soutiennent que suite à lordre d'Aurélien exigeant que la Dacie fût abandonnée, tous ses habitants se sont retirés. L'assertion ci-dessus s'étaye sur un ouvrage de Roesler intitulé Rumaenische Studien qui fit naître la soi-disante théorie de Roesler. Celui-ci y soutient essentiellement que la population de la Dacie toute entière, a quitté la Dacie sur les ordres de l'Empereur Aurélien. Voilà cependant ce qu'on trouve dans l'Histoire des Hongrois, publiée à Paris en 1874. L'auteur, Edouard Sayons, un français, y dit : L'argumentation habile de M. Roesler est loin d'être convaincante. Les émigrations des populations devenues agricoles et civilisées sont bien rares et ne sont jamais complètes. En outre, il nous semble difficile à expliquer la diffusion du latin parmi les Hongrois, leur penchant pour lEurope occidentale et leur aptitude à imiter les lois romaines sans la présence de ces Valaques lesquels, patience aidant, selon l'heureuse expression d'Amédée Thierry laissaient au compte du temps à les débarrasser de leurs maîtres de passage tout en perpétuant au beau milieu des barbares de diverses races, les restes dune vieille civilisation. Gelu, le prince vaincu par Tuhutum en Transylvanie, était probablement leur chef. Il faut encore tenir compte du fait que Sayons était loin dêtre tant soit peu un ami des Roumains. Bien au contraire. Il était membre de la société Kisfaludy de Peste et son ouvrage Histoire des Hongrois est favorable aux Magyares. Dans ce même ouvrage on peut lire à la page 67 : Deux petits royaumes, celui de Gelu en Transylvanie et celui de Glad entre l'Olt et la Tissa semblent notamment avoir été valaques. Et à la page 81 : Glad, battu par Zuard et Kadosa, fut obligé à se soumettre et la Hongrie toucha à sa longue frontiére naturelle des Carpates.

Mais il y a également dautres arguments à ce propos. Parmi les affirmations de Roesler (Roumaenische Studien) figure celle-ci : par ailleurs, comment saurait-on supposer que, une fois abandonnés par les légions romaines, ils (les Daco-Romains) eussent préféré une vie misérable dans les montagnes à une vie civilisée au sud du fleuve du Danube ? Au début, les premiers barbares qui traversèrent le territoire de la Dacie avaient été les Goths, un peuple barbare bien plus doux que les Asiatiques venus plus tard. Dès avant l'abandon de la Dacie, la population Daco-Romaine avait noué des relations avec les Goths au point de s'apercevoir que ces derniers n'étaient pas tellement effrayants. De plus, les Goths s'établirent en Dacie en tant que fédérés (alliés) et simposèrent, ceci faisant, l'obligation de ne plus attaquer l'Empire mais au contraire de lui prêter aide à l'encontre des autres envahisseurs. Les Romains apportèrent pas mal de bonnes choses en Dacie : leur civilisation, et puis ce sont eux précisément qui céèrent Dacia Felix, mais il est naturel qu'ils y aient également apporté des choses mal agréées par les gens du pays, entre autres les impôts. Dune seule voix les paysans romains supplient qu'on les laisse vivre avec les barbares... Et alors comment donc nous étonner quon ne saurait vaincre les Goths du moment que les villageois sont plus heureux d'être avec eux qu'avec nous ("Silvianus", De gubernatione Dei, V, 8).

Le notaire anonyme du roi Magyer Bela dit qu'un chef des Hongrois, Tuhutum, se trouvant dans la plaine de la Tisa et du Danube, eut vent de la Transylvanie, un pays dont la richesse était devenue fameuse. Sur cette Transylvanie régnait un Roumain, Gelu, que le texte appelle souvent duc, lequel oppose de la résistance à Tuhutum en deux endroits distincts, pour être finalement vaincu et tué aux bords de la rivière de Copus. Mais les Hongrois veulent évidemment retenir comme authentique de l'ouvrage du notaire anonyme tout ce qui leur est favorable et rejeter le reste. Aussi font-ils valoir que le notaire en saurait être pris en considération vu que les faits y notés nen ont pas été vus ou vécus, provenant uniquement par ouï dire. Contre cette affirmation un Hongrois même sélève, Balint Homan, qui dans son livre "Geschichte des ungarischen Mittelalters", I, pp. 400-413, publié à Berlin en 1940 écrit : L'ouvrage du notaire anonyme portant sur la conquête du pays par les Hongrois, se signale par son élaboration soignée tant du point de vue stratégique que géographique, par une critique pénétrante, une réflexion méthodique et des connaissances appronfondies. Résumons donc : la source historique Hongroise la plus ancienne, le Notaire Anonyme, dit carrément que, à la venue des armées d'Arpad, la Transylvanie n'était pas une "terra deserta", et qu'on pouvait y rencontrer des Roumains (Blaques) à partir des Carpates jusqu'en Pannonie, ayant leur propre organisation étatique et militaire. Le voïvode Menumorut allait préciser lors des tractations avec les messagers Hongrois que son pays, il l'avait en tant qu'héritage de ses aïeux, et que son suzerain était bien l'Empereur de Byzance.

A qui se fier là-dessus ? Au père de l'historiographie Magyare Anonymus, ou à ceux qui aujourdhui n'en continuent pas moins à fournir des preuves selon lesquelles les Roumains n'auraient été que des bergers nomades en quête continuelle de pâturages à travers la péninsule Balcanique ? A ce que l'on peut voir, nous avons utilisé et le ferons également par la suite, des sources Hongroises et non pas pro-roumaines telles que celles dEdgar Quinet, Rambaud, Ubicini.Le troisième village Gyalu a lui aussi son importance du point de vue historique. Cest là que se décida, au X-e siècle, le sort de la Transylvanie. Ce pays était habité par les Valaques, lesquels y avaient mis en place une principauté indépendante. A l'approche de Tuhutum qui, afin de la conquérir, était venu avec ses bandes Hongroises, ils prirent les armes et allèrent jusquà Gyalu. Les Valaques voyant leur chef tomber durant le combat, abandonnèrent le champ de bataille. Contraints à se soumettre aux vainqueurs, ils durent leur prêter serment de fidélité à un endroit qui aujourdhui encore sappelle Esküllö, de esküdni -prêter serment. Telle est la description faite par l'un des historiens Hongrois les plus anciens, le notaire anonyme du roi Bela. Le passage ci-dessus est recopié du livre publié à Paris en 1845, "La Transylvanie et ses habitants", de A. de Geraudo, I, p.64. A de Geraudo est le beaufils du comte Hongrois Emeric Teleki, seigneur de Széh, auquel le livre est dédicacé. Dailleurs , à la page 216 il dit : lie par mariage (l'auteur) à une famille Hongroise, je suis presque un citoyen de ce pays.

Dans la chronique russe de Nestor on trouve : Les Hongrois, après avoir franchi de hautes montagnes -ce sont bien les Carpates- se mirent à lutter contre les Valaques et les Slaves qui y vivaient. Il sagit là de deux sources distinctes dont les auteurs appartiennent à des nations différentes, et qui sont sans doute coïncidentes. Il est malaisé à comprendre que les Romains aient pu laisser en Dacie des vestiges ineffaçables si l'on rappelle le motif pour lequel ils étaient venus dans ce pays, surtout pour emporter ses richesses que pour fonder les grandes institutions dont les autres provinces avaient été dotées. Aujourdhui on trouve dans l'ancienne Dacie des traces de leur domination qu'on aurait beau chercher dans les autres pays où ils avaient fondé leur colonies les plus chères : des vestiges romains qui n'existent pas en Espagne, au Pays de Galle non plus, ni même en Italie : on trouve en Dacie un peuple qui sappelle ROMAN (rumano, roumain) dans sa langue, qui a conservé non seulement la langue et la physionomie du conquérant, mais encore qui de tous les peuples de l'Europe en a pu conserver avec la plus haute fidélité l'esprit et les coutumes. Néanmoins la Dacie fut une province romaine durant cent soixante dix ans à peine ("La Transylvanie et ses habitants", I, pp. 44-45).

Le nom des deux empereurs, Trajan et Aurélien, celui qui conquit la Dacie et celui qui l'abandonna, sont bien connus aujourdhui chez les Valaques. En Moldavie, Valachie et Transylvanie, nombre de champs sappellent pratul lui Traian (le champ de Trajant) et on y entend encore parler de Lerum Doamne (Aurel Dominus). Tout dabord ce sont les Goths qui prirent la place aux Romains ; après les Goths, les Huns (376), après les Huns les Gépides (454), et puis ce furent les Avares (553). Au milieu de ces armées immigrées qui parcouraient leur pays sans désemparer, les descendants des Romains, le peuple qu'Aurélien n'emporta pas avec lui, n'en continuait pas moins de subsister. Les Valaques avaient leurs chefs nationaux au moment où ils furent subjugués par les Hongrois ou Magyars qui, conduits par Arpad, avaient déjà conquis la Pannonie (889). Les Valaques sont, en Transylvanie, les habitants les plus anciens du pays. Ils occupaient le pays et avaient déjà fondé une principauté lorsque les Hongrois étendirent leur domination aux montagnes de lancienne Dacie. Aux extrémités occidentales de cette province, entre la Tisa et la frontière de la Transylvanie régnaient aussi d'autre chefs Valaques tels Mana Moarte la Main Morte et Glad le Glaive. Tous ceux-ci durent céder à la fortune des Hongrois dont la puissance devait se substituer à celle des Romains.

La religion Chrétienne avait de bonne heure pénétré chez les colons Romains de la Dacie. On trouve en Transylvanie des inscriptions datées de lannée 274, leur croix gravée en dessus. Il existait en 325 déjà, un Théophile évêque des Goths, dénomination abusivement accordée aux Daces. On y cite, dès 390, un évêque de la Dacie Nicolae. Aujourdhui même leur langue est totalement romane et ils observent d'antique usages, du reste complètement oubliés chez les autres peuples romanes. D'aucuns noms païens tels : Florica (Floarea), Doina (Diana), Doinita sont largement répandus parmi les femmes. Le premier dimanche de mai, les paysans Valaques fêtent encore, par tradition, la fête de la Fleur ; ils se rendent dans la forêts et sur les prés avoisinants pour se parer de fleurs et feuillages et retournent au village pour danser. L'été venu, ils entreprennent de hisser devant leurs maisons de longues perches à rameaux d'arbres et de foin, qu'ils appellent "armindenu". Cest en fait -nous assure-t-on- une coutume romaine : les colons militaires fêtaient le début de la saison guerrière en érigeant devant leur porte ce quils appelaient arma Dei ou Martis. Les danses Valaques sont dorigine romaine. Certaines figures et souvent la pose des personnages rappellent la description des danses antiques. Leurs danses révèlent toujours une idée, un fait ou un sens déterminé. "Hategana" par exemple, la danse la plus connue, semble représenter l'enlèvement des Sabines. La danse du "Càlusar" est fort caractéristique. Les étymologue prétendent que cette même danse était exécutée dans le Colisée ; dautres prétendent qu'elle incarne une danse de chevaliers, littéralement une danse du cheval. Une autre tradition entend lui accorder des origines encore plus vénérables faisant dériver le mot Valaque de "collini salii", par abréviation "colli salii". Les danseurs saliens, dit Nieuport, avaient un temple sur la colline quirinale. Aux ides d'avril, ils exécutaient tout en récitant des rhapsodies à peine intelligible au temps dHorace, des danses menées par un chef ou vates. Aujourd'hui les danseurs Valaques portent deux lanières ornées de boutons en cuivre qu'ils entrecroisent sur leurs épaules et dont lune ne fait que figurer l'écharpe accrochant le glaive ; ils commencent leur danse, censée en quelque sorte être sacrée, fin avril ou après la Pentecôte, en maniant de longs bâtons pareils aux glaives et donnent à leur meneur le nom de vàtaf. (La Transylvanie et ses habitants, I, pp. 309-310).

Les lignes ci-dessus sont rédigées par un Français et nous répétons -louvrage est promagyar. Peut-on quand même y déceler quelque sympathie pour les Valaques ? Oui, sans doute. Lauteur lui même lavoue : Nous ne dissimulons pas la sympathie que la race Valaque nous inspire. Le peuple roumain est pareil à nous et les Valaques vivent non pas seulement en Hongrie et en Transylvanie, mais aussi en Bessarabie, Moldavie, Valachie et autres provinces turques. Ils comptent au moins 5.000.000. Certains esprits généreux se sont inquiétés quant à lavenir de cette nation dispersée et asservie (le soulignement est à nous) depuis dix siècles(La Transylvanie et ses habitants, I, p. 222). Lauteur y détaille plusieurs raisons à même de lui susciter pour la race Valaque, une sympathie quil ne pouvait pas taire tout en étant le beau-fils du comte Teleki et se tenant pour presque citoyen de la Hongrie. Et nous entendons penser que la raison maîtresse en était le fait que cette race Valaque était asservie depuis dix siècles. Les Hongrois donc, affirme-t-on, à leur arrivée, avaient rencontré en Transylvanie uniquement des groupes mêlés, sans organisation politique aucune. Comment ça se fait-il alors, qu'en 1918 vivaient en Transylvanie 2.800.000 Roumains et 2.465.000 non-Roumains donc en avait la majorité absolue ? Ces chiffres-là ressortent évidemment du recensement quils avaient établi en 1910, du fait qu'ils entendent contester celui dressé par les Roumains en 1930 et comme nous l'avons dit, on met à profit leurs sources mêmes. Lors de ce recensement tous les artifices furent certes utilisés pour que le résultats en fussent à leur gré. Entre autres tous ceux qui parlaient le Hongrois ont été inscrits en tant que Magyars quel que fût leur origine ethnique. Aussi les juifs ont-ils été tenus et inscrits pour la plupart comme Magyars. Eh bien, après tout cela, ils seraient amenés à avouer qu'en Transylvanie ils étaient en minorité, non pas relative mais obsolue. Comment ceci aurait-il pu se produire du moment que avancent-ils, toute la population daco-romaine sétait retirée au sud du Danube sur l'ordre d'Aurélien et qu'ils avaient trouvé un territoire à basse population lors de leur arrivée ? En Transylvanie, dépeuplée en raison des guerres de défense, se glissa tout au long du XIII-e siècle, le peuple de bergers de la Valaquie, les ancêtres du peuple roumain d'aujourdhui.

Donc, des bergers s'y sont glissés. Est-il par ailleurs possible que la Valachie ait compté des bergers à ce point et comment auraient-ils pu se glisser en si gros nombre pour avoir, six siècles plus tard, la majorité, la majorité absolue même. Et puis comment cela ce fait-il qu'aucun document Hongrois ne parle de leur arrivée en Transylvanie, alors qu'on voit ces mêmes documents parler de la venue des Saxons et de Souabes, encore qu'ils y aient été amenés en nombre infiniment inférieur 

Ces bergers-là, par conséquent des groupes transhumants, auraient franchi les montagnes pour s'installer non pas seulement dans la zone de frontiére, comme il eût était normal, mais dans toute la Transylvanie, devant rejoindre effectivement son extrémité nordique, le Maramures, qui est la région Transylvaine la plus éloignée comme aussi la plus démunie. Et ces bergers, infiltrés, lesquels avaient donc pénétrés petit à petit, accèdent, à peine 140 ans plus tard, à la noblesse, et l'un d'entre eux, Bogdan, entend quitter le Maramures pour fonder, aux côtés d'autres bergers, la principauté de Moldavie. Les Hongrois ne sauraient le nier, puisque leurs documents font valoir Bogdan en tant qu'ancien Voïvode du Maramures et infidèle au roi Magyar. Donc, après 140 ans, un successeur de ces bergers infiltrés devient Voïvode de cette région !!! Et puis Iancu de Hunedoara et Matei Corvin ? Jean Hunyadi appartenait à une famille de nobles transylvains, sans doute d'origine valaque. Iancu Huniadi donc, d'origine valaque sans aucun doute, devient un grand commandant et héros hongrois, et son fils Matein Corvin, de ce fait toujours d'origine Valaque, deviendra le roi le plus grand de la Hongrie. La logique la plus sévère nous en dit que ceux ci n'auraient pas accédé aux postes hongrois les plus élevés s'ils avaient vraiment été les successeurs des pauvres bergers qui s'y étaient glissés 140 ans auparavant, mais par contre que les Magyars avaient en venant en Transylvanie, recontré des organisations politiques avec leurs chefs et sujets. Qua-t-il pu advenir aux autres chefs valaques ? Ils se sont convertis au catholicisme et, pas à pas se sont magyarisés à l'effet de préserver leurs privilége. Lun dentre eux, Bogdan se rebella en devenant infidèle et gagna avec les siens la Moldavie, avant d'être magyarisé, et, paraît-il pour ne pas devoir passer au catholicisme.

Entre la noblesse hongroise ayant conquis le pays moyennant le glaive et les colons saxons qui ne cessaient pas de senrichir par le commerce, les valaques de Transylvanie sont toujours restés un peuple paysan. Pour eux, aucun progrès, aucun changement. Lorsque l'un dentre eux s'élevait au-dessus des autres, il entrait dans les rangs de la nation conquérante et devenait, ceci faisant, Hongrois. La liste des familles nobles Magyars d'origine Roumaine est longue et comporte des noms illustres, parmi lesquels, outre les Corvins, on cite les familles Dragfy, Banfy, Maylath, Mihai Csaki, Barosai, Kendefi, etc. Certains des nobles Roumains, ayant refusé la convertion au catholicisme, durent abandonner leurs terres et, soumis à de lourds impôts, allaient devenir pareils aux paysans, dans la masse desquels ils ne tardèrent pas de disparaître. La majorité des Roumains se glissèrent en Transylvanie en provenance des deux voïvodes de la Moldavie et de la Valachie, ils passèrent les Carpates durant les siècles où les deux provinces se trouvaient sous la souveraineté des sultans. La Sublime Porte implaccablement à ces provinces des princes grecs, une sorte de collecteurs dimpôts. Ces Grecs là, dénommés Phanariotes, prescrivaient des charges écrasantes et opprimaient les paysans de ces deux provinces, sises à lest et au Sud de la Hongrie. S'étant échappés en masse en Transylvanie, ils furent admis en tant que colons par les Hongrois. Il est parfaitement vrai qu'à présent les Roumains forment la majorité de la population en Transylvanie, mais il n'en est pas moins vrai qu'ils y sont les nouveaux venus lesquels, après que le peuple magyar leur a eu offert son hospitalité, ont dépossédé la véritable population autochtone dans son propre pays. Donc ces bergers ont, pendant les siècles suivants encore, continuité d'entrer en Transylvanie, surtout en raison des Phanariotes. Ceci veut dire que ce passage s'est effectué jusquau début du XIX-e siècle, lorsque l'époque de la domination phanariote prit fin. Néanmoins, de nouveau, nul acte ou document Hongrois n'entendent en parler. Dautre côté, il existe sans doute des documents, voire nombreux, qui renseignent sur des passages exactement contraires, cest-à-dire de Transylvanie en Munténie (Valachie) et en Moldavie.

Ainsi donc : Une missive papale de 1234, adressée au prince de la couronne de Hongrie, Bela, indique que, dans lévêché de la Koumanie, situé au sud de la Moldavie et à lest de la Munténie, avaient passé certains du royaume de Hongrie, tant Hongrois qu'Allemands qui se mêlant aux Roumains là-bas, adoptent leur foi faisant une avec ces Roumains là et que les saints sacrements leurs sont administrés par certains pseudo-évêques lesquels observent le rite des Grecs. Par le Diplôme des Chevaliers de Saint-Jean, en 1247, le roi Magyar leur octroya à certaines conditions, l'Olténie et la Koumanie noire, cette dernière située à lest de l'Olt. L'une des conditions en était de ne pas recevoir, dans les contrées quon leur venait d'attribuer, des rustiques provenant du royaume de Hongrie. Malgré cette interdiction, les paysans roumains de Transylvanie n'en continuèrent pas moins de franchir les montagnes pour y fonder leurs propres villages. La plupart en portent les noms des villages voisins de Transylvanie, auxquels on avait rajouté la dénomination caractéristique de "ungureni", cest-à-dire villages habitès par des Roumains de Transylvanie. Et ces passages se poursuivirent des siècles durant, le fait étant consigné par les documents et les cartes. Aussi la carte statistique russe des Principautés, adressée de 1828 à 1832 et publiée en 1835, fait-elle valoir, dans le departement d'Arges, huit villages qualifiés d'ungureni : Oiesti, Albesti, Ciofringeni, Marina, Cepari, Suici, Valea Albà et Streinii. Quant au département de Muscel, on y mentionne cinq villages portant en rajout le nom ungurenii : Berivoiesti, Boteni, Bàdeni, Slànicu et Vlàdesti, comme dailleurs trois villages au département de Dimbovita Bàsesti, Lucieni et Dràgoesti. Les passages les plus importants ont toutefois été effectués dans la partie de la Munténie, dans le département qui de ce fait sappellera longtemps Sàcuieni. Ce dernier compte 27 villages constitués, intégralement ou dans la plus grande partie d'habitants venus de Transylvanie. Le bourg de Sàcuieni est premièrement cité lors dun arrêté circulaire donné en 1431 par le Voïvode Valaque Dan II à tous les bourgs et douanes. De tels passages ont aussi été effectués en Moldavie, abstraction faite de celui de Bogdan, déjà mentionné. Le document du 2 février 1365 et émis par Louis I-er, roi de Hongrie (1342-1382), montre que Bogdan et ses enfants sont passés furtivement du Maramures en Moldavie. La même information apparaît dans la Chronique Dubnicensa qui précise : pendant le règne de Louis, Bogdan, le Voïvode des Roumains du Maramures, en réunissant les Roumains de ce district-là, passa en secret en Moldavie. Bogdan y trouva des éléments Hongrois établis en quelques bourgs comme : Trotus, Bacàu, Suceava, voir même dans des villages tels que Sascut, nom qui en Hongrois veut dire La fontaine du Saxon. Le nombre de ces éléments transylvains s'accrut en hussites lesquels, pour séchapper à la persécution religieuse y passèrent successivement à trois reprises : 1420, 1437 et 1460 et s'installèrent dans les bourgs de Trotus, Bacàu, Roman, Tàrgul, Neamt, Husi et Ciubàrciu.

Dès les XIII-e et XIV-e siècles, le catholicisme avait persécuté les Roumains orthodoxes. Certaines terres avaient été enlevées aux Roumains pour en doter les couvents catholiques. Tel est le cas du couvent de Cirta, au pays du Fàgàras, auquel le roi Magyar avait, suivant un document daté de 1223, donnait une très vaste propriété, comprise entre les rivières d'Arpas et de Cîrta et ayant précédemment appartenu aux Roumains. Pendant le règne de Louis I-er on assistera à une véritable persécution de lélément roumain et notamment de la couche dirigeante, nobles, ecclésiastiques, princes, censés être des schismatiques. C'est ainsi que le 20 juillet 1366 fut ordonnée l'arrestation de tous les prêtres schismatiques des comitats de Cuvin et Caras (E. lukinich, Documenta, pp. 201-202). Moyennant un autre arrêtè on défend la même année aux non-catholiques, donc aux Roumains, davoir en propriété toute possession à titre nobiliaire ou cnézial dans le comitat de Sebes (E. Lukinich, "Documental", pp. 207-208).

Il est intéressant à noter que, vers la fin du XVIII-e siècle, ce nest pas seulement les Roumains Orthodoxes qui passérent en Valachie, mais aussi les uniates (Catholique de rite orientale). Un rapport consulaire du 20 août 1816 indique de fait qu'en Valachie (Munténie) il y avait environ 12.000 uniates venus de Transylvanie et qui avaient sans faute besoin d'un prêtre uniate.

Qu'elles étaient donc les raisons qui forçaient les habitants de Transylvanie à passer dans les Principautés ? La raison principale était religieuse. Les Hongrois obligeaient ces habitants à se convertir au catholicisme ou bien à rester catholiques ceux qui voulaient passer à une autre religion (le cas des hussites). Les Roumains qui refusaient de sy convertir voyaient perdre autant leur rang nobiliaire que leurs terres. Mais pourquoi les paysans passaient-ils au-delà ? Précisément du fait que la situation des habitants des Principautés était meilleure, car ils travaillaient généralement pour leurs boïards 12 journées par an, le maximun étant 24 journées. La prétention la plus sévère des boïards de Moldavie fut celle avancée en 1755, lorsqu'ils eurent exigé 36 journées de travail par an et cette doléance ne fut dailleurs pas admise par le prince régnant. Parallèlement, en Hongrie les paysans étaient obligés à travailler en faveur des nobles quatre journées par semaine, soit 208 journées par an. Il existe un tas de documents relatifs au passage des Transylvains dans les Principautés roumaines (on vient d'en citer seulement une petite partie). Quant aux passages en Transylvanie des Roumains habitant les Principautés, effectués notamment pendant et à cause des Phanariotes, passage dont on voit parler Etienne Czakò, il ny en a aucun, mais absolument aucun document sy référant. Et pourtant le lecteur pourrait sans doute se poser la question suivante : Eh bien, est-il possible qu'ayant été à ce point opprimés et ayant passé, ayant été obligés de le faire, en Valachie et en Moldavie, les Roumains restants aient réussi à se maintenir en tant que nation majoritaire ? L'explication principale consiste dans l'endurance de la race Valaque, dans ses qualités. Toutes les lois s'employaient à les dénationaliser, mais ce qui arrivait était exactement l'inverse : c'était les Roumains qui assimilaient et roumanisaient les hongrois. Lorsque dans les comitats magyars il y avait un village qui était habité par des paysans valaques et hongrois en nombre égal, après un certain laps de temps la population valaque absorbait celle hongroise et la langue roumaine dominait ( "La Transylvanie et ses habitants", II, p.170). Néanmoins on voit les Roumains assimiler non pas seulement les Hongrois, mais encore les Allemands : En quelques endroits du pays, habités à l'origine par des Allemands : Torotzko, par exemple, et dans un autre village sis près de Vulkoy, les colons se sont mêlès au reste de la population : ils sont maintenant des Hongrois ou des Valaques. Partout les Valaques n'aiment pas apprendre le hongrois : pour les comprendre, les hongrois et les saxons se doivent d'apprendre le roumain.

Telle est la situation du point de vue historique et etnographique. Malgré cela, les Magyars veulent bien la Transylvanie, la Transylvanie toute entière. Le seul argument qui leur reste c'est la Hongrie Millénaire, soit un état de fait : ils ont dominé la Transylvanie un millénaire durant et donc elle leur appartient. Cet argument ne tient pas lui encore à l'analyse. Ont-ils vraiment dominé, les Hongrois, la Trasylvanie un peu plus d'un millénaire, cest-à-dire jusquen 1918 ? Dans son livre Roumains et Hongrois imprimé à Bucarest en 1940, M.C. Sassu montre, sétayant sur des données historiques, qu'en 1526 (Mohacs) la Hongrie avait été divisée en trois parties : l'une était un pachalik turc, l'autre se trouvait sous la couronne des Habsbourg et la troisième, celle qui nous intéresse, la Transylvanie, était un voïvodat à part qui versait un tribut aux Turcs. Remarquons que les principautés roumaines n'ont jamais été réduites à l'état de pachaliks. A Buda un pacha turc avait été installé, la Hongrie était occupée par des troupes turques, ce dont il n'est jamais arrivè aux principautés ci-nommées. Pareille situation se poursuivit jusquen 1699, lors de la paix de Carlowitz. A lissue de cette paix, la Hongrie toute entière devient une possession autrichienne. La Hongrie avait été libérée de la domination païenne par les autres, par l'Autriche, sans que la race magyare eût participé aux combats, non pas dailleurs pour devenir libre, mais pour passer sous une autre domination, cette fois celle des Habsbourg. Ses tentatives de s'en débarrasser (1703-1711 Rakoczi et 1848-1849 Kossuth) n'aboutirent pas à leur fin. De 1699 à 1867, la Hongrie et la Transylvanie étaient séparées. Elles relevaient, l'une de l'autre, de l'Empire des Habsbourg, tout en étant divisées en provinces bien distinctes. Seul en 1867 les Hongrois réussirent à se faire réincorporer la Transylvanie, pour 51 ans, jusquen 1918, vu qu'ils avaient accédé à une existence autonome dans le cadre de la monarchie des Habsbourg. Où est donc la Hongrie millénaire ? Et dans cette Hongrie millénaire les Hongrois englobent la Transylvanie, la Slovaquie, la Croatie, etc... se fondant sur le même argument dépourvu de support historique. Pour eux il n'existe pas d'argument ethnographique ou bien celui-ci est dénué de toute valeur. Ce qu'ils veulent cest la Hongrie arrondie, la grande Hongrie. Sur les territoires quils réclament, à ce quils l'avouent, vivent 2.800.000 Roumains et 2.465.000 non-Roumains. Non-Roumains donc et non pas Magyars ; en Slovaquie 1.702.000 Slovaques et 1.874.000 non-Slovaques ; dans la zone revenant à l'Autriche de cette Hongrie millénaire vivent 232.000 Allemands et 126.000 non-Allemands ; dans la zone Yougoslave il y a 1.727.000 Croates et 1.029.000 Serbes et 1.366.000 ni Croates, ni Serbes. Combien de Hongrois trouve-t-on dans cette population de non-Roumains, non-Allemands, non-Slovaques, non-Croates et non-Serbes ? Trois millions, eux-mêmes l'avouent. Et ces 3.000.000 de Hongrois veulent dominer 7.560.000 non-Hongrois. Voilà où en est la Justice pour la Hongrie. Cest bien possible, mais cette justice pour les Hongrois n'est point une justice pour la justice.

Dans la lettre accompagnant les conditions de paix à Trianon, Millerand disait : On en saurait se baser sur cet état de choses (cest-à-dire qu'à lintérieur des nouvelles frontières des Etats successeurs sont entrés des noyaux de la population magyare) pour prétendre quil aurait été mieux de ne pas modifier l'ancien statut territorial (La Hongrie millénaire). Un tel état de choses, voire millénaire, n'est pas justifié à subsister s'il est reconnu en tant que contraire à la justice. Bref, les Magyars soutiennent que les ancêtres du peuple roumain n'ont rien de commun avec les Daces et moins encore avec les Romains (Justice pour la Hongrie, p. 44). Donc il n'y a pas de Daco-Romains. Si seulement ces messieurs n'étaient pas inconséquents. Justice pour la Hongrie a été éditée par le journal Pesti Hirlap. Et voilà qu'ils laissent tomber tout ce quils avaient affirmé une année auparavant, le 15 avril 1932, pour écrire dans le ci-nommé journal Pesti Hirlap : Si nous, les Hongrois, nous réoccupons notre pays, les nationalités devront s'accomoder à cette situation. Et elles s'y accomoderont les premières 24 heures durant. Nous nallons pas renouveler les erreurs des Hongrois d'autrefois. Les Daco-Romains devront disparaître sur ce territoire. Comme on le verra par la suite, ils ont tenu parole en 1940 déjà, lorsquils se sont conduits de la même manière que lors de leur venue dAsie : tels les barbares.

II
LA HONGRIE TOLERANTE

 

Si l'on s'en tenait à un seul jeu de mots, cest-à-dire si l'on donnait le même sens aux mots tolérant et toléré, alors la Hongrie a été un pays fort tolérant. Car la nation roumaine (valaque, disent-ils) et ses religions ont été tolérées. Tout au long de son histoire, le peuple Magyar s'est caractérisé par sa tolérance vis-à-vis des étrangers. S'il en avait été autrement, il n'aurait pas permis aux masses d'étrangers qui fuyaient devant l'invasion turque ou tatare, de se réfugier sur son territoire. Il ne les aurait généreusement reçus et ne les aurait pas laissés cultiver leur propre civilisation nationale. Si la nation hongroise avait opprimé ces nationalités, celles-ci n'auraient pas su conserver au cours des siècles leur langue et leur caractéristique raciales. Et on ne trouverait guère, aujourdhui encore, à proximité de Budapest, des villages Slovaques, Souabes et Serbes, et les colons français y ayant émigré deux siècle auparavant seraient devenus des Hongrois ("Justice pour la Hongrie", p. 44).

Dans la Hongrie d'avant-guerre, les fidèles des églises gréco-orientales et gréco-catholique avaient le droit de s'organiser en église serbe, en église roumaine et en église ruthène. Ces mêmes églises jouissaient d'une autonomie complète, en vertu de laquelle elles conduisaient à leur bon grè leurs écoles de toutes sortes en les transformant en citadelles du sentiment national séparatiste. La vérité est que la Hongrie d'avant-guerre, considérée au point de vue des nationalités, était l'un des pays les plus tolérants d'Europe. On laissera de côté la question des villages Serbes et Slovaques des alentours de Budapest, ceci étant non pas seulement un argument sans valeur, mais effectivement puéril. Nous entreprenons de répondre aux autres points de question.

En transylvanie chaque nation a son propre territoire ; chaque nation participe sur son propre compte à la Diète, qui représente ce qui fut appelé la Trinité transylvaine. Les Hongrois sont les premiers : ce sont eux qui avaient conquis ces terres au X-e siècle. Puis viennent les Szeklers, une fraction du peuple Magyar, lesquels les avaient occupées bien avant eux. Enfin, les Saxons y arrivent, admis en tant que colons, au XII-e siècle. Ces trois nations ont leur propre administration, leurs droits et privilèges à part. Sous ces trois nations unies il y a les Valaques, les anciens maîtres de cette terre et les habitants les plus nombreux, qui nont pas de terres et sont dispersés sur toute la superficie du pays ("La Transylvanie et ses habitants", I, pp. 51-52).

Les habitants les plus nombreux donc, les Valaques, les anciens maîtres de ces terres n'avaient pas de terres, de privilèges et ni même de droits. Et cette Trinité avait été créée par l'acte signé, le 16 septembre 1437, à Càpîlna, acte stipulant une union fraternelle, moyennant laquelle chaque partie s'engageait à prêter sans délai secours aux autres, contre leurs ennemis. Et puisqu'il y avait trois parties, elle fut nommée Unio Trium Nationum. Ces trois nations privilégiées avaient leurs députés à la Diète, leurs fonctionnaires, leurs chefs d'armée et l'administration toute entière se trouvait sous leur main. Ceux-là représentaient la majorité des habitants des villes et bourgs, ils possédaient tout ; le reste, cest-à-dire moins que rien, revenait aux Valaques, les anciens maîtres des terres. Du fait des disputes entre les successeurs du roi Etienne I-er, la pénétration des Hongrois en Transylvanie se fit avec lenteur. Il restèrent par ailleurs bien longtemps à ce qui fut appelé les Portes de la Transylvanie, où ils devaient dresser des retranchements en troncs d'arbres, tel que les chroniqueurs latins hongrois des XII-e, XIII-e et XVI-e siècles nous le disent. Une fois installés, ils mirent en place les institutions propres à l'époque, à savoir celles féodales, il y en avait quatre :

- Les communautés rurales. Cétait bien une forme de survivance des institutions que les Hongrois avaient trouvées à la population autochtone et qui nétaient par ailleurs qu'une forme développée des anciens voïvodats roumains. On voit ce type de formation se maintenir à peu de choses près au long du moyen âge tout entier et cela surtout dans les régions frontalières nommées pays (Bîrsa, Fàgàras, Hateg, Severin, Oas, Maramures). Leurs chefs étaient les Knèzes, les juges et les vieux, qui continuaient à rendre la justice et à distribuer les parcelles de terre par tirage au sort, suivant le jus valachicum.

- Les domaines royals provenant de la conquête ou encore de la spoliation des communautés rurales.

- Les domaines nobiliaires.

- Les domaines ecclésiastiques, appartenant naturellement à l'église catholique, à laquelle les schismatiques aussi devaient payer la dîme.

Ces derniers deux types d'institutions provenaient des dons faits par les souverains ou de l'usurpation des terres des communautés rurales, dont les membres, une fois leur terre perdue, perdaient de plus leur liberté en devenant des serfs. C'est ainsi que pendant les XI-e et XII-e siècle de vastes domaines laïques et ecclésiastiques furent constitués. A partir du XIII-e siècle, les nobles jouissaient dimportants privilèges, tels que : immunités fiscales, juridiques et administratives. Les paysans perdirent donc progressivement, outre leurs terres, leur liberté pour devenir des serfs. Mais ces paysans serfs qui étaient-ils ? L'historiographie d'après la dernière guerre mondiale s'attache à nous persuader que ces paysans-là étaient des Hongrois et des Roumains sans disctinction aucune, qu'ils étaient également oppréssés par les nobles, dans la lutte contre lesquels ils étaient unis, et que de ce fait aucune différence ne saurait exister quant aux persécutions infligées à ces mêmes Roumains et Hongrois. Cette thèse est totalement fausse. En premier lieu il existait une majorité roumaine, une majorité absolue. Venaient ensuite les Saxons, les Szeklers et les Souabes qui jouissaient d'un régime spécial, de privilèges spéciaux. Toujours de la minorité hongroise étaient recrutés les nobles, les fonctionnaires, les soldats et leurs chefs, l'appareil administratif pour tout dire. Les artisans, les marchands, les habitants des villes, où étaient-il recrutés ? Il y avait certes des Valaques aussi parmi ces derniers, néanmoins leur accès était difficile du fait qu'ils étaient tolérés dans la Hongrie tolérante. Des paysans hongrois y existaient assurément, mais leur situation était-elle pareille à celle des Valaques ?

Je commets un abus en utilisant le mot paysan Magyar. Je nomme paysans des hommes qui vivent de l'agriculture, que l'administration entend pour autant dénommer gentils-hommes, ce qui est tout différent. Un mot d'explication. S'emparant des terres, les Hongrois ont asservi les anciens habitants. Aujourd'hui (1845), ceux-ci sont émancipés et libres, tout en formant la classe paysanne par excellence, car la classe noble est pour la plupart formée de Hongrois. Chaque soldat de l'armée conquérante est en effet devenu noble à la suite de la seule conquête. Les gens des diverses tribus se sont soumis notamment au roi et ont reçu des terres. Un nombre quelconque de guerriers perdirent leurs titres de noblesse en raison de certains faits infamants. La plupart en sont néanmoins restés indépendants et nobles et ont continué à cultiver leurs terres. Cette noblesse rustique s'est transmise avec fidélité, si bien qu'on peut rencontrer à la campagne un tas d'habitants tout aussi privilégiés que leur roi. Ce sont ceux qui se rendent par centaines, parfois par milliers, lors de la convocation de Diète, vêtus de costumes paysans, pour discuter des doléances qu'ils auront à indiquer ultérieurement à leurs représentants ("La Transylvanie et ses habitants", I, pp. 20-21). Telle était la situation des paysans Hongrois. Pourrait-on vraiment y déceler une ressemblance avec celle des Valaques si mince qu'elle soit? Les nobles roumains, à dessein de maintenir leur rang furent amenés à se magyariser et à passer au catholicisme ou plutôt à senfuir, tel Bogdan du Maramures. Mais où la tolérance y peut elle bien être ?

La seule issue pour les paysans était la révolte. Poussés à bout, ils sattaquaient aux Hongrois, metaient le feu aux châteaux ou tuaient leurs nouveaux maîtres. A Oradea, de 1208 à 1235 près de la moitié des 309 sentences avaient été prononcées contre les aggresseurs aux biens et aux personnes de nobles. Une grande révolte éclata en 1437 en Transylvanie. Son chef était un paysan de Satu-Mare, nommé Martin. On ne saurait certes nier la participation de certains Hongrois, mais il est sûr que la révolte avait éclaté dans la région du Somes pour sétendre par la suite à Satu-Mare, Cluj et Dej, des régions valaques. Les paysans se sont réunis sur la colline de Bobîlna, près de Dej. Il s'agissait là sans doute dune révolte sociale, laquelle allait revêtir rapidement un caractère national, vu que les opprimés étaient roumains et leurs oppresseurs hongrois. Les révoltés furent écrasés. Les hongrois durent cependant accepter une convention conclue à Bobîlna et scellée à Cluj-Mànàstur le 6 juillet 1437. Y était stipulé que la dîme à l'église fût de 1 florin (1 florin = 100 dinars) à raison de 20 meules de foin. Il sagissait là de l'église catholique qui prélevaient la dîme aux schismatiques aussi, donc aux Roumains. Les nobles devaient toucher 10 dinars chaque année ; les dons (volaille, tourteaux, orge) étaient limités à trois par an et la robota à une seule corvée annuelle (le ramassage de la récolte et le fauchage) et à quelques journées par an pour l'entretien des moulins et des étangs. Le droit des serfs à changer de domicile y était reconnu comme encore la possibilité de léguer, à défaut d'héritiers, leurs biens à des tierces personnes.

Les Hongrois recommencèrent toutefois les luttes et les Roumains furent obligés à accepter une nouvelle convention, le 6 Octobre 1437, à Câptina. Les délégués des paysans étaient Michel le Roumain (Valachus) et Antonius Magnus. Cette autre convention était plus défavorable aux Roumains que celle de Bobina.

Une nouvelle révolte éclata en 1514. Le chef des rebelles était cette fois un Szekler, Gheorghe Doja. Le feu de la révolte s'alluma à Buda, non pas donc en Transylvanie. L'évêque de Strigoniu venait de lancer en 1514, au nom du Pape Léon X, un appel à une croisade contre les Turcs. Les paysans en premier lieu, le bas peuple et les artisans pauvres des bourgs, répondirent en masse à l'appel, plutôt las de vivre que par amour pour la chrétienté, entend dire l'italien Paolo Giovo. Les paysans se trouvaient réunis près de Buda et le Szekler Gheorghe Doja fut élu en tant que leur chef. Les nobles voyants se dépeupler leurs villages, voulurent les faire retourner en terrorisant leurs familles. La révolte ne tarda pas déclater. Les insurgés décidèrent de parcourir le pays entier pour soulever les paysans en totalité. Un groupe pénétra donc en Transylvanie. Comme on voit, pas un groupe n'avait pris le chemin du lac Balaton, où les paysans, suivant les propos de A. de Gerando ("La Transylvanie et ses habitants"), étaient tous des gentils-hommes. La jacquerie fut écrasée et ses chefs brûlés vifs. Les nobles (Hongrois) consacrèrent aussitôt leur victoire par des décisions draconiennes et, finalement, par le Code Werböczi, Tripartitum. La nona fut réintroduite ; la paye argent comptant fut fixée à 100 dinars (1 florin) ; la dîme à l'église était exigée en toute rigeur ; les paysans furent déclarés "adscripti glebae". L'impôt à l'Etat monta de 100 à 200 dinars (de 1 à 2 florins). Il est à souligner qu'un florin était bien pénible à gagner, si l'on pense que deux siècles plus tard la récompense à l'intention de Horia était de 300 florins à peine. Après Mohacs, en 1541, la Transylvanie devint autonome. Le nombre des nobles s'accrut et, une partie d'entre eux, ceux de la Hongrie transformée en pachalik, viendront s'établir en Transylvanie. Georges Reichersdorfer dit que, hormis les hongrois et les saxons, c'étaient les Roumains qui avant tout occupaient les villages. Anton Verancsis dit que la Transylvanie était habitée par trois nations : hongroise, saxonne et szeklère, auxquelles il se devait néanmoins d'ajouter celle roumaine, qui était numériquement égale aux trois autres prises conjointement. L'italien Giovannandrea Gromo, colonel dans l'armée transylvaine, affirmait que la troisième nation était celle des Roumains, lesquels se trouvaient dispersés dans tous le pays comme étant pour la plupart des agriculteurs... leur langue diffèrait de celle des hongrois ; ils affirmaient être les descendants des anciens colonc de Tibère !!! Ce qui les faisait parler une langue pareille à l'antique langue romaine. Quant au Banat, ce même auteur entendait nommer cette province Valachia Cisalpina ou encore Valachia Citeriore, pour la distinguer de Valachia Transalpina (la Valachia proprement dite). Le même état de choses nous est confirmé par deux rapports des frères jésuites, en 1584, faisant valoir que la province qu'ils étaient en train d'organiser, était bien une "provincia valachica" et que les villes de Caransebes et de Lugoj sono de la Valachia. L'italien Antonio Possevino, dans son ouvrage "La Transylvanie", souligne que plus de 70 villages du Fàgàras étaient exclusivement roumains et qu'on pouvait trouver des roumains même parmi les Szeklers. Un voyageur français, J.J. Bongars, ayant traversé la Transylvanie en route vers Constantinople, avait constaté qu'on y parlait le roumain plus que le hongrois. Au milieu du XVII-e siècle, le Transilvain Yean Tröster aussi que l'Allemand Conrad Hiltebrand, ce dernier de passage en Transylvanie, consignaient que la quatrième nation (Hiltebrand dit la troisième, puisqu'il tenait que les hongrois et les szeklers constituaient une seule nation) était celle des roumains ou valaques laquelles, quoi qu'elle ne comptait guère au point de vue politique, surmontait en nombre toutes les autres nations de Transylvanie prises conjointement.

Il était naturel que, au moment où il prit la décision d'affronter l'Empire Ottoman, le prince Michel le Brave comptât sur toutes les forces du peuple roumain. Son projet se transforma en réalité si bien qu'en 1601 il devint prince de lentière Valachie et de la Transylvanie et de la Moldavie. Malheureusement, les temps lui étaient défavorables. Une année plus tard à peine, la première union politique de tous les territoires roumains allait s'écrouler. Néanmoins lidée de leur union est demeurée comme un legs fait de siècle en siècle aux roumains. Le XVIII-ème siècle montra que l'Empire Ottoman était sur son déclin. L'échec du siège de Vienne (1683) fut en fait le signal d'une impétueuse avance des armées autrichiennes. Rien que cinq ans plus tard, elles allaient fixer les frontières avec la Turquie sur les sommets des Carpates. Moyennant la décision de la Dièta du 13 mai 1688 à Fàgàras, la suzeraineté de l'Autriche sur la Transylvanie fut instituée et cette situation devait se prolonger jusqu'en 1867. La paix de Carlowitz (1699) amena les Turcs à reconnaître formellement cette même situation.

Le Diplôme de Léopold, émis le 4 Décembre 1691, établissait :

- Quatre religions étaient reconnues, le catholicisme, le luthéranisme, le calvinisme et les unitariens. Non pas toutefois celle orthodoxe. Les anciens privilèges que les princes de Transylvanie avaient octroyés étaient maintenus. Restaient en outre en vigueur les anciennes lois (Tripartitum de Werböczi, les Aprobatae et les Compilatae), tout comme l'organisation administrative. Les privilèges des Szeklers et des Saxons étaient renouvelés. L'accès aux fonctions publiques était uniquement réservé aux Hongrois, aux Saxons et aux Szeklers, sans distinction de religion. Quant aux roumains, ils devaient subir une dure épreuve : la religion orthodoxe autant que la nation roumaine n'étaient pas reconnues.

Les Autrichiens envisageaient d'étendre leur emprise sur la Transylvanie. Leur empire était un conglomérat de peuples que seul un trait, pouvait en effet réunir : l'église catholique. Ils pensèrent donc attirer au catholicisme l'une des composantes. Et il était normal de tourner leurs regards vers le peuple le plus opprimé -les roumains. Ceux-ci nétaient pas reconnus en tant que nation, ils n'avaient pas leurs nobles, ils étaient tels les esclaves. Leur église n'était pas elle aussi reconnue : la situation de leurs prêtres était semblable à celle des serfs. On leur avança un tas de promesses. En 1698 le métropolite Athanase Anghel accepta l'Union. Cet acte a été et le sera longtemps encore discuté. Les ennemis actuels de l'Union -pour ne pas parler de ceux de lépoque- formulent entre autres critiques celle de l'intérêt matériel : le métroplite Athanase Anghel et les 18 archiprêtres l'auraient acceptée à seul effet d'améliorer leur situation matérielle. Cette prise à partie est totalement injuste. L'évêque Inocentiu Micu-Klein lutta toute sa vie pour obtenir l'application des promesses faites aux Roumains. Il rédigea 24 mémoires pour les adresser à la Cour de Vienne et bien d'autres encore à la Diète transylvaine. En voilà les points les plus importants ;

- Les Roumains ne devaient plus être tenus pour simples tolérés, mais être pourvus de droit égaux aux autres habitants de la Transylvanie.

- Ils devaient être déclarés comme la quatrième nation constitutionnelle.

- Ils devaient avoir leurs représentants à la Diète, au gouvernement et dans les fonctions publiques.

- Le bas peuple romain devait jouir des mêmes droits que les autres nations.

- Les terres spoliées par les nobles devaient être rendues aux serfs.

- Le servage devait, être aboli dans les districts saxons, où les Roumains, quoique formellement libres, étaient contraints à des corvées.

- Il fallait accorder aux serfs le droit de changer de domicile, de fréquenter les écoles, d'apprendre un métier, d'avoir leurs propres corporations. Les corvées en outre diminuer à deux journées par semaine.

A l'appui de ces revendications, Micu-Klein invoquait le droit historique, l'origine, l'ancienneté et la continuité des roumains en Dacie. Les seuls roumains -disait-il- plus nombreux que les autres nationalités, supportent plus du double des charges fiscales que les autres contribuables en bloc. Donc selon l'adage qui sentit "onus sentiat et commodum". La nation roumaine, affirmait l'évêque Inocentiu, nen est inférieure à aucune autre de la Transylvanie ni quant à ses vertus, ni à sa science, ni à ses aptitudes envers les affaires publiques... Le peuple roumain est non seulement le plus ancien mais aussi le plus nombreux. Voilà donc que les uniates, par la voix de l'évêque Klein ne réclamaient pas de droits en faveur des prêtres -dont la situation ne différait nullement de celle des serfs- mais pour les serfs mêmes, pour tout le natul (la nation), dirais-je en utilisant, si je ne me trompe pas, un mot du Banat. Le plus important était précisément d'exiger des droits politiques pour tout le natul : la reconnaissance en tant que quatrième nation constitutionnelle, des représentants à la Diète, au gouvernement et dans les fonctions publiques. De plus, pour la première fois un roumain affirmait fièrement que les roumains étaient les plus anciens en Transylvanie, les plus nombreux et qu'ils descendaient des romains.

L'Impératrice Marie-Thérèse fit envoyer les mémoires de l'évêque à la Diète de Cluj. Les Hongrois se refusèrent à les mettre en discussion tout en exprimant leur refus par des paroles offensantes. L'évêque et le clergé uniates réclament des choses que personne n'a jamais demandées à nos ancêtres et ne saura les réclamer ni même à nos descendants. Ils exigent des choses nuisant au plus haut degré aux plus anciens droits et privilèges octroyés par nos rois et princes. Ils exigent des choses qui portent préjudice aux pragmatiques sanctions du royaume... Ils exigent quelque chose qui bouleverse à fond les droits et libertés qu'on a eu jusqu'ici en paix de la part des nations de la patrie. Ils exigent des choses qui en fait ne font que secouer et troubler le système tout entier de ce pays, conservé, jusqu'ici en bon ordre, tant pour ce qui est des affaires religieuses que pour celles politiques et économiques. Enfin, ils exigent ce qu'il ne convient jamais d'accorder au clergé et au bas peuple Valaques, vu son caractère fort notoire. Il ne nous sera pas pardonné à nous, les conseils participants à cette Diète, de répondre aux prétentions encore inouïes et importantes de l'évêque, du fait que nous ne sommes pas autorisés et préparés à nous déclarer à propos d'une question tellement importante et inattendue .

Lévêque Inocentiu s'installa à Rome où il mourut sans obtenir satisfaction. Cette union fut également critiquée pour avoir cassé l'unité de la nation. Néanmoins, après les premiers troubles que cette cassure avait produits, les eaux se calmèrent si bien que les chefs des églises orthodoxe et gréco-catholique allèrent par la suite de concert jusqu'à la victoire définitive de 1918. Et ceci du fait que l'unité de la nation ne se limitait pas à l'unité religieuse, car elle prenait sa sève dans l'unité de sang et de sentiment. Il existe en outre une unité totale d'appréciation roumaine de l'union avec Rome : elle a abouti entre autres au réveil national. Grâce à cette union, des fils de Roumains ont pu étudier à Rome, où ils se sont aperçus de la latinité de leur langue et de leur origine romaine. Des écoles ont ensuite été crées dont la plus importante fut celle de Blaj -la Petite Rome du roumanisme. On a tâché de sen prendre à Vienne. La responsabilité en serait aux Autrichiens et non pas aux Hongrois. La faute à Vienne en saurait en effet être totalement ignorée, cependant la faute revient essentiellement à Budapest, cest-à-dire à la tolérance Magyare. Marie-Thérèse, Joseph II et autres empereurs ont éprouvé des sentiments de compassion envers le peuple Valaque opprimé, mais ils n'ont pu rien y faire, ou à peu de choses près, en raison de l'opposition acharnée de la tolérance Magyare. Joseph II, moyennant un rapport adressé au Conseil d'Etat et à sa mère Marie-Thérèse en 1773, disait : Je me fais un devoir de conscience à souligner que la Transylvanie est un fort beau et bon pays, qui a besoin d'une aide urgente et d'une réforme radicale, puisque les simples améliorations ne seraient pas suffisantes, vu la mentalité totalement corrompue des nobles. Les nobles hongrois ne craignent rien, hormis ce qui pourrait diminuer leurs revenus et limiter leurs privilèges, qu'ils agrandissent par tout moyen possible, jusqu'à la limite de leurs moyens, pour exploiter au maximum leurs sujets. Les serfs sont une espèce d'esclaves pour leurs maîtres ; privés de tout moyen de défense, ils doivent travailler, plus ou moins, au gré des maîtres. Voila pourquoi nombre de villages sont sur le point de senfuir en Moldavie....

Le rapport de Joseph II concernait la Transylvanie et non pas la Hongrie. La conclusion logique est qu'en Hongrie la situation était tout autre. Joseph II s'était rendu deux fois en Transylvanie (1773-1783) et s'était intéressé au sort des Roumains en leur promettant son appui, ce dont il ne put faire et notamment à cause des Hongrois. La cour de Vienne sattachait à régler les relations entre les paysans et les nobles, soit entre les Roumains et les Hongrois, en interdisant leurs abus, la confircations des terres des paysans, l'augmentation des corvées et des dîmes. Toutefois on en put parvenir qu'à un compromis entre la Cour de Vienne et la noblesse hongroise, sous la forme dune réglementation (1769) connue sous le nom de Certa ouncta. On y fixa 3 journées de corvée par semaine à l'intention des serfs travaillant avec leur bétail et 4 journées par semaine pour les sans-bétail (212 journées par an!!). Les jelerii (paysans sans lot de terre) seulement 2 journées par semaine.

Dans la région des Monts Apuseni, l'assujettissement des paysans était encore plus dur, situation qui ne tarda pas daboutir à la révolte de Horia, Closca et Crisan en 1784. Les Motzi d'Apuseni tâchèrent d'améliorer leur sort. Les serfs Horia dAlbac et Closca de Càrpinis se mirent à leur tête. Ils envoyèrent des plaintes à la Cour de Vienne directement. En automne 1783, Horia se rendit à Vienne où il resta jusqu'au printemps 1784. Là il réussit à obtenir un ordre de la Cour de Vienne, adressé aux autorités des Apuseni et défendant la punition de paysans innocents, ainsi que l'éxécution de cinq paysans précédemment condamnés à mort. Mais Joseph II, malgré sa bienveillance, ne fit pas davantage. C'est ainsi que la révolte éclata. Les paysans mirent le feu aux châteaux des nobles. La révolte s'étendit aussitôt de la région du Zarand à Hunedoara et gagna encore l'Aries, la vallée d'Ampoiul comme aussi Turda, Cluj, Arad, Timisoara, Baia, Maramures.

La révolution avait sans conteste un caractère social. Les révoltés exigeaient l'abolition du statut de serf, la cession des domaines nobiliaires, la distribution des terres aux paysans et la paye d'impôts par les nobles. Si l'on examine le nom des localités où la révolte s'est étendue : Zarand, Hunedoara, Turda, Cluj, Arad, Timisoara, Baia, Maramures, on voit clairement que ce sont toutes des régions roumaines, presque en totalité roumaines. C'était de nouveau, comme en 1437, un soulèvement de la nation roumaine opprimée. La révolution de Horia est en quelque sorte semblable à celle de Tudor Vladimirescu ayant éclaté 47 ans plus tard en Munténie. La révolution de Tudor débutera par le même caractère social pour devenir ensuite nationale. Celle de Horia contenait dès le début tous les deux, puisqu'elle fut sans doute l'oeuvre des composants d'une nation contre les composants d'une autre nation. Karl Marx lui même l'a dit : En 1784 Horia envisageait d'affranchir sa nation. En égard à ses motifs, la révolution de Horia était au fond, sa forme mise à part, une révolution nationale. La répression fut sanglante. Horia et Closca connurent le supplice de la roue. Crisan, qui sy était rallié plus tard, se donna la mort en prison. Cependant, tout comme celle de Tudor Vladimirescu, la révolution de Horia, Closca et Crisan eut ses suites positives : les paysans avaient le droit de changer de domicile et de se marier sans l'approbation du noble, le droit d'étudier et celui d'apprendre un métier, ainsi que de disposer de leurs biens.

En 1791, les Roumains firent parvenir à l'Empereur Léopold II un mémoire connu sous le nom de Supplex Libellus Valachorum. C'était un ouvrage collectif rédigé par les intellectuels roumains Iosif Mehesi, Samuil Micul, Ion Molnar-Piuariu, etc. La délégation roumaine qui se présenta à Vienne avait en tête les deux évêques : orthodoxe et catholique, La pétition comportait 6 points à savoir :

1) Les roumains ne devaient plus être qualifiés de tolérés.

2) Ils devaient donc occuper leur place parmi les autres nations, cette même place qu'ils y occupaient avant 1437 (Unio trium nationum).

3) Le clergé, la noblesse et la paysannerie roumaine auraient à jouir des mêmes droits que les trois autres nations.

4) Nominations en fonctions publiques et à la Diète proportionnellement au nombre des habitants de chaque nationalité à part.

5) Des noms toponymiques roumains, à côté des noms hongrois et allemands.

6) La mise en place d'un congrès national roumain, qui devait élire les députés à même de représenter le peuple là où il le serait nécessaire.

La nation roumaine - est-il dit dans le Supplex- est de beaucoup plus ancienne que toutes les nations de la Transylvanie de nos temps, chose qui est certaine et avérée sur la foi des témoignages historiques, d'une tradition jamais interrompue, des ressemblances de la langue, des us et coutumes, qu'elle prend son origine dans les colonies amenées par l'Empereur Trajan au début du II-e siècle...

Quel en fut l'aboutissement ? La Diète de Cluj fut indignée par les prétentions soulevées dans le mémoire et déclara, par la voix d'une commission expressément constituée, que reconnaître une nouvelle nation ce serait bien renverser l'ancien système constitutionnel de la Transylvanie. Outre ces remous politiques, un important mouvement culturel de réveil national eut lieu en Transylvanie. Ses figures marquantes étaient issues des jeunes ayant été envoyés faire leurs études à Rome. Ils révèlèrent au monde, par le biais des arguments historiques et linguistiques, la latinité et l'origine romane du peuple roumain. Ces mêmes idées avaient été antérieurement exprimées par les chroniqueurs moldaves et valaques (Miron Costin, Constantin Cantacuzino, Ion Neculce, et en tout premier lieu par le prince érudit qui fut Dimitrie Cantemir), mais les lettrés transylvains entendaient les reprendre et les développer en les assortissant d'arguments historiques et philologiques. Ces lettrés roumains suscitèrent de la sorte un courant et une action connus sous le nom d'Ecole transylvaine. Leurs idées étaient nommément : du moment que les Roumains sont les habitants les plus anciens de la Transylvanie, antérieurement à l' "unio trium nationum", du moment qu'ils descendent directement des colons romains de la Dacie et qu'ils ont sans discontinuer vécu sur les terres où ils ne cessent pas de se trouver, il serait normal qu'ils jouissent des mêmes droits politiques que les autres nations et qu'ils participent à l'administration de la Transylvanie au point d'occuper sur un pied d'égalité et en fonction de leur nombre, des postes dans l'administration du pays comme dans la justice et l'armée.

Ces mêmes érudits créèrent des oeuvres monumentales. George Sincai, par exemple, rédigea une Chronique des Roumains et de quelques autres peuples, un ouvrage de haute érudition dont la mise en forme allait durer jusqu'en 1808, sans toutefois pouvoir être publiée qu'en 1853, à Jassy. La censure tolérante magyare avait avisé que l'ouvrage était bon à être brûlé et son auteur pendu ("opus igne, auctor patibulo dignus").

Et l'on en est à la révolution de 1848. Entre-temps il y eut la Révolution Française, Napoléon, Louis XVIII, Charles X, Louis Philippe... Idées nouvelles, la féodalité sur son déclin et le raffermissement de la bourgeoisie. Les Roumains s'étaient aussi réveillés, sous le coup de leur contact avec l'Occident. Quant aux roumains de Transylvanie, ils avaient, depuis des siècles, leurs regards tournés vers les principautés roumaines.

Le comte hongrois Széchenyi constatait : Ni la frontière ni la surveillance ne réussissent à casser le fil qui les attachent par leur origine de la patrie commune, pauvre, mais qui inspire tout leurs espoirs. Et le baron Wessenlenyi décrire en 1834 : Grands et perspicaces sont les plans que les fils de la Valachie et de la Moldavie trament et pour la réalisation desquels ils travaillent ; nombre d'eux ont acquis une culture bien plus vaste et sont plus profondément pénétrés par l'esprit du temps que beaucoup de nous ne sauraient se figurer. Les Hongrois aussi étaient soumis aux Autrichiens et voulaient leur liberté, cependant ils la souhaitaient uniquement pour eux-mêmes, tout en la refusant aux Valaques. Moyennant leur libération du joug autrichien, ils voulaient la grande Hongrie, qui devait comprendre toutes les nationalités, mais où les Roumains devaient, si possible, rester dans la même situation desclaves. Le 12 janvier 1848 Palermo donna le signal de la révolte qui s'étendit aussitôt dans toute l'Italie et surtout en Lombardie et à Venise. Le 22 février Paris proclama la république. Les habitants de Peste passèrent à l'action. On adopta les 12 points rédigés par Petöfi Sandor et les membres de la société 'La Jeune Hongrie'. Y figuraient notamment : la pleine égalité en droits de tous les citoyens sans distinction de nationalité ou religion ; l'abolition des privilèges féodaux, la suppression du servage, la nécessité d'un gouvernement constitutionnel, la liberté de la presse et de réunion. A ce que l'on peut voir, le principe de légalité entre toutes les nations, y était inscrit, mais les Roumains n'ayant toujours pas été reconnus en tant que nation, ils n'étaient donc pas visés. C'est ce qui est tout au moins ressorti lors des événements ultérieurs.

Alertée, la Diète de Pozsony vota le 18 mars toute une série de lois reconnaissant l'abolition des privilèges féodaux, la distribution des terres en faveur des paysans et l'institution d'un gouvernement responsable devant un parlement élu. De beaux principes que ceux la, mais qui une fois mis en oeuvre furent vidés de leur contenu. Aussi, en matière électorale, tous les nobles avaient-ils le droit de vote, qu'elle que fût leur situation financière, alors que seuls les marchands qui avaient embauché un salarie jouissaient du droit de vote. Les paysans pouvaient exercer leur droit de vote à condition qu'ils fussent les propriétaires d'un certain lot de terrain. Cest ainsi que 90% de la population n'avait pas le droit de voter. La presse était libre, néanmoins une caution de 10.000 florins pour les journaux et de 5.000 pour les revues étaient réclamées. En principe, on avait octroyé la pleine égalité en droits pour tous les citoyens. Dans le fond ce que les Hongrois entendaient offrir c'était la liberté et légalité uniquement pour eux-mêmes ou encore pour ceux qui passaient du bon côté, en devenant des hongrois. Autrement dit, ils offraient aux autres la possibilité de se magyariser. Quelle autre interprétation pourrait-on en effet avancer, du moment que la loi n'assurait pas le droit d'employer le roumain, l'allemand ou le slave dans la vie de l'Etat ? On y avait même stipulé que seuls les sujets hongrois pouvaient être élus au Parlement. Les echos des révolutions de l'Europe occidentale sont parvenus en Transylvanie également.

Le 17 mars des manifestations eurent lieu à Arad, le 18 à Timisoara, le 19 à Cluj, le 21 à Oradea, etc. Les adeptes les plus enthousiastes de ce réveil national étaient les Transylvains réfugiés dans les Principautés. Ils apportaient avec eux l'idée de l'union avec les deux principautés roumaines. Szasz, secrétaire d'Etat au Département de l'enseignement disait dans un rapport : Une partie des agitateurs roumains étaient des fanatiques exaltés qui rêvaient d'une nouvelle Dacie devant unir la Valachie, la Moldavie et la Transylvanie et même peut-être des régions de la Hongrie s'avoisinant à la Transylvanie ou, au moins, une Transylvanie valachisée.

Le 25 mars une assemblée magyare eut lieu à Tîrgu-Mures, avec la participation d'Avram Iancu et Alexandru Papiu Ilarian du côté roumain. Un mémoire fut rédigé exigeant l'union avec la Hongrie, la liberté de la presse et légalité devant la loi. Mais les hongrois en souhaitaient pour rien au monde que la question du servage y fût mentionnée et d'autant moins les droits des autres nationalités. Les Roumains s'y opposèrent donc.

Le 24 mars, Simion Bàrnutiu rédigea une proclamation où l'on affirmait que les roumains ne sauraient souscrire à l'acte d'union avec la Hongrie avant d'obtenir la pleine reconnaissance de leurs droits politiques en tant que nation roumaine. Dépouillée de ses droits nationaux, la république elle-même n'est autre chose que despotisme.

Du 15 au 17 mai eut lieu le rassemblement de Blaj. Sur le champ dès lors nommé "Le Champ de la Liberté", 40.000 Roumains s'étaient réunis. Bàrnutiu en tête, les Roumains établirent un projet de programme en trois points :

- La proclamation de l'indépendance de la nation roumaine ;

- Le texte d'un serment national ;

- La protestation contre l'union de la Transylvanie à la Hongrie.

Y participèrent aussi les délégués des Principautés roumaines, au nombre desquels Alexandru Ioan Cuza, le futur prince régnant des Principautés Roumaines Unies. L'historien hongrois Jakob Elek nota à propos de ce même rassemblement : "Le spectacle qui se déroulait devant nos yeux était grandiose. Une foule de 20.000 hommes environ, certains habillés de vêtements minables, les visages marqués par la souffrance, un malheureux peuple de serfs, ci et là des paysans hauts de taille tels les sapins, beaux, bien bâtis, aux regards énergiques, dont l'attitude faisait la preuve de leur confiance en eux-mêmes, d'une résolution provocante". Un autre contemporain hongrois, Kàroly Mészàros, écrivait : "Une masse populaire fanatique, aux traits accentués, caractéristiques et faciales à reconnaître des colons romains, offrait au spectateur, au milieu d'un tumulte sauvage, un tableau d'un intérêt extraordinaire et profondément touchant".

Le point principal du programme de l'Assemblée était la déclaration solennelle stipulant que la nation roumaine se considérait un nation autonome, comme faisant partie intégrante de la Transylvanie en vertu d'une foi égale pour tous. L'ordre le plus rigoureux fut maintenu pendant la durée toute entière du rassemblement. Cette immense masse d'hommes -écrivait Jakob- qui s'éleva à midi à 25-30.000 âmes, semblait être une mer calme sur laquelle on ne saurait apercevoir ni même la moindre vague. Le peuple se taisait et écoutait... Parfois des paysans échangeaient des mots avec leurs voisins.

Et pourtant la Diète vota le 29 mai, à Cluj, l'union de la Transylvanie à la Hongrie. En fin de juillet, des élections eurent lieu et quelques Roumains réussirent à être élus députés. Eftimie Murgu remporta, au Banat, un beau succès. Pendant les débats au Parlement, les députés roumains eurent des interventions rigoureuses. Lors de la mise en discussion du projet de loi relatif à l'organisation des écoles, le baron Joseph Eötvös propose que la langue d'enseignement à l'intention des premières classes fût celle de la majorité des habitants, mais les autres députés hongrois s'y opposèrent, se refusant d'admettre l'utilisation de la langue maternelle outre que pour l'apprentissage du hongrois, l'unique langue d'Etat. Ce fut le tour des députés roumains Ioan Dragos et Sigismund Pop de s'y opposer -ce dernier avisant à ce que, 1.700 ans durant, personne n'avait réussi à priver les Roumains de leur langue. Néanmoins, le Parlement décida qu'au long des trois première classes le roumain en saurait être utilisé qu'aux fins d'apprendre le hongrois.

Le 26 aôut, Eftimie Murgu prononça un discours soutenant la liberté religieuse des Roumains, auquel Lajos Kossuth réplique promptement qu'il comprenait mal la raison pour laquelle les Roumains se devaient d'avoir une église séparée. Quoi qu'il en fût, il ne pouvait pas admettre l'autonomie administrative du Banat, puisque cela aurait débouché sur le démembrement du pays. Quant à la participation des Roumains aux côtés des Hongrois à la lutte contre Vienne, Kossuth était d'avis que les Roumains devaient s'y aligner en tant que citoyens hongrois et non pas comme nationalité roumaine. Sur Kossuth Hirlapja (La Gazette de Kossuth), Emil Abrànyi notait : Sont-ils les Roumains, une nation vivante ? Leur nationalité imaginaire ne repose-t-elle plutôt sur un passé nébuleux et sur l'espérance d'un vague avenir ?... Peuvent-ils vraiment s'offenser si les Hongrois, maîtres millénaires de ce pays tiennent pour être les premiers entre tous les autres? Pour ce qui est la langue, la même Kossuth Hirlapja promettait en guise de suprême tolérance que des lois ne seraient pas votées à l'encontre de ceux qui ne parlaient pas notre langue dans la rue.

En septembre, le général Jellachich pénétra en Hongrie à la tête des armées autrichiennes. Le 22 septembre un comité pour la défense de la patrie fut constitué, ayant Kossuth comme président. Les combats entre les hongrois et les autrichiens débutèrent. Rejetés par Kossuth qui n'entendait pas renoncer à ses idées sur la suprématie de la race hongroise et sur l'indivisibilité territoriale du royaume de Saint Etienne, menacés d'une totale dénationalisation, les roumains se fient aux promesses de la Cour impériale viennoise et passent aux côtés de l'Autriche. Les combats entre les roumains et les hongrois commencèrent en octobre. Les roumains furent battus à Tîrnava, où 1.200 de leurs hommes devaient mourir. L'empereur Ferdinand abdique et son neveu François-Joseph, un jeune homme de 18 ans monta au trône. Ce fut le général Bem, un militaire remarquable, qui passa en têtes des troupes hongroises. Celui-ci infliges à plusieurs reprises des défaites aux armées autrichiennes. Les chefs hongrois de la Transylvanie étaient cependant intéressés en tout premier lieu à punir... Les traîtres à la patrie. Le commissaire du gouvernement hongrois, Szany, mit en place des tribunaux sanglants qui devaient prononcer des milliers de condamnations à mort et la saisie des biens. Des troupes irrégulières avaient la tâche d'inspecter l'un après l'autre les villages roumains afin d'appréhender les suspects de crime. Un tel tribunal de sang condamne et fait exécuter le pasteur Stefan Ludwig Roth, un ami des roumains. Il s'était rendu coupable d'avoir dit sans détour aux nobles hongrois et notamment d'avoir imprimé maintes verités pénibles au point de vue politique, démographique et linguistique. Entre autres, dans la brochure Der Sprachkamps in Ciemenbürgen, il avait affirmé : point n'est besoin de décréter une langue en tant que langue du pays. Car une telle langue existe ! Il nest pas question de l'allemand, ni encore du hongrois, mais du roumain. Tous ont cette même conviction ! Lorsqu'on parle dune langue commune au pays, nous pensons qu'on ne saurait en concevoir une autre que le roumain.

Les roumains en cédèrent pas pour autant. Sous la conduite d'Avram Iancu, ils s'effacèrent dans les Monts Apuseni. Les troupes hongroises devaient les investir au moyen d'un cordon traversant Ciucea - Huedin - Gilàu - Cluj - Turda - Aiud - Oràstie - Brad - Vascàu et jusquà Oradea, ce qui avait entraîné la mobilisation d'une force de 13 à 21.000 soldats. Bem eût souhaité un accord avec les combattants d'Avram Iancu, mais les hongrois ne voulurent pas en entendre parler jugeant leur victoire facile. Csutak, à la tête d'un détachement, attaque les Monts Apuseni, sans y aboutir. Avram Iancu négocia un accord avec le député roumain Ion Dragos, un messager des hongrois toutefois pendant la trêve décrétée tout au long des tractations, le commandant Hatvani occupa la ville dAbrud sans coup férir. Mais les roumains dAvram Iancu descendirent des montagnes pour cerner la ville d'Abrud. Les hongrois furent vaincus et Hatvani s'échappa non sans peine. Deux semaines plus tard, il revint à la tête d'une grosse troupe en essuyant une nouvelle défaite. Au début de juin, une troupe de 4.000 hommes pourvue de 18 canons reprend l'attaque sous les ordres de Farkas Kémény, mais, en raison des lourdes pertes qu'elle subit, le commandant ordonna la retraite. En juillet, un fort détachement commandé par Pal Vasvàri, surnommé le petit Kossuth, fut également battu à Fîntînele où le petit Kosuth perdit sa vie. Les femmes des montagnards combattaient elles aussi. Leur participation effective était rendue nécessaire, car les roumains combattaient au moyen de fourches et de faux. Avram Iancu disposait en fait de 1.300-1.400 armes à feu.

Les hongrois s'avisérent enfin de leur faute et tâchèrent une conciliation avec les roumains, mais il était déjà trop tard. L'Autriche avait fait appel aux Russes qui, sous le commandement du général Paskevici, entrèrent en Hongrie et en Transylvanie. Les hongrois furent battus à Sighisoara. Le général Bem réussit à s'échapper, mais le poète Petöfi y donna héroïquement sa vie. Le 5 août, à Ocna Sibiului, Bem remporta la victoire et réoccupa Sibiu et cependant, sous peu de temps, lors d'un combat auquel Bem participa uniquement en spectateur, les hongrois furent vaincus au sud de Timisoara, tandis que Bem et Kossuth s'exilèrent. Kossuth, lequel avait voulu libérer seuls les hongrois, aurait pris en exil tout le temps d'y réfléchir, car le sort lui avait réservé une très longue vie. Ce faisant, il se serait sans doute rendu compte que s'il s'était fait rallier ces Valaques tellement méprisés, le dénouement de la guerre aurait pu être tout différent. Et, ironie du destin, il dut toutefois plus tard s'adresser à ces mêmes Valaques, à cette nation imaginaire au passé nébuleux et vouant ses espérances à un vague avenir, tel qu'on avait écrit dans Kossuth Hirlapja, soit La Gazette de Kossuth. Quelques années plus tard donc, un messager envoyé par Kossuth, le général Klapka, viendra solliciter au prince Alexandru Cuza et obtenir effectivement son soutien qui, cette fois encore, s'avérera être trop tardif. L'arrogance, la terrible arrogance Magyare était de la sorte sévéremment punie.

Le sort d'Avram Iancu ne fut pas meilleur. Tous les espoirs dans l'esprit de compréhension de Vienne se révèlèrent inutiles. Aussi rejeta-t-il fièrement les décorations que François-Joseph lui avait accordées, ainsi que toute faveur personnelle. Tel un personnage de légende, déprimé et malade, il errait dans les villages des Monts Apuseni en jouant de la Flûte. Lors d'une visite en Transylvanie, l'Empereur François-Joseph souhaita le voir. Et Avram Iancu, autant triste que fier, de refuser l'audience impériale. La révolution de 1848 et la lutte d'Avram Iancu valurent une certaine amélioration du sort des roumains en Transylvanie, amélioration qui fut progressivement réduite au néant par la même proverbiale tolérance hongroise. Du point de vue social, un premier et important point de vue social, un premier et important point acquis fut la suppression du servage, laquelle pour le grand malheur des roumains, n'allait devenir effective qu'en 1864, en raison du retardement des opérations cadastrales. Au point de vue national, la lutte des roumains empêcha l'union de la Transylvanie à la Hongrie, néanmoins là aussi sans lendemain. En effet, la Diète transylvaine votera en 1865 l'union de la Transylvanie avec la Hongrie et, vu que Vienne avait besoin de hongrois plus que de roumains, l'Empereur finit par l'accepter. Pour concilier les roumains, celui-ci éleva l'évêché roumain orthodoxe au rang de métropolie. Les églises roumaines orthodoxe et uniate, de même que la nation roumaine, furent de même reconnues. La révolution de 1848 fit décéder l' "Unio trium nationum". Fut en outre admis l'emploi du roumain comme langue officielle dans l'administration et devant les instances judiciaire. Cependant le désastre de Sadowa obligeait les autrichiens à admettre le dualisme de l'Autriche-Hongrie en vue duquel des pourparlers furent par ailleurs menés bien avant 1867.

Mais la conséquence la plus importante de la révolution fut le réveil national. Des contacts furent noués avec les représentants des roumains des Principautés ; en 1848 même, sur le champ de la Liberté à Blaj, des voix se firent entendre : Nous voulons nous unir avec le Pays, cest-à-dire avec les Principautés roumaines d'outre-monts. Ces mêmes voix allaient se multiplier, car l'Union des Principautés en 1859 fit naître de nouveaux et grands espoirs dans les âmes des Transylvains. Un courant était né, qui allait s'accroître pour devenir un puissant torrent que la tolérance Magyare en saurait pas endiguer. La victoire devait finalement revenir -quoique tardivement- à ces descendants vigoureux des colons que Trajan avait fait venir en Dacie. Toutefois la lutte devait être de longue haleine. En 1867-1868, les roumains avaient protesté contre l'union de la Transylvanie avec la Hongrie, en tant qu'une suite du dualisme, par la voix de leurs députés et par délégations. Le 15 mai 1868, un groupe d'intellectuels rédigea une déclaration solennelle connue sous le nom de Pronunciamento de Blaj. On y faisait valoir que les roumains restaient fidèles aux principes formulés à Blaj, le 3/15 mai 1848. Ses auteurs affirmaient ne pas reconnaitre à la Diète de Peste le droit de légiférer quant à la Transylvanie et contestaient aux députés roumains y siégeant la qualité de représentants des roumains.

Cet acte fut publié dans les journaux roumains Gazeta Transilvaniei ("La Gazette de Transylvanie"), Federatiunea ("La Fédération") et Telegraful român ("Le Télégraphe roumain") et une copie fut envoyée au gouvernement, lequel, tolérant comme il l'était, fit poursuivre Iacob Muresanu, le rédacteur de La Gazette de Transylvanie, le professeur I. Micu -Moldovanu et autres, en justice devant le tribunal de Tîrgu-Mures. Pour la même raison fut aussi condamné le rédacteur du journal La Fédération, Alexandru Roman. Les difficultés habituelles matérielles s'ensuivirent, qui furent surmontés grâce au ministre roumain Mihail Kogàlniceanu lequel expédia l'aide indispensable par l'entremise de George Baritiu. La question du Pronunciamento fut soumise au débat du Parlement de Peste à la suite d'une intervention des députés roumains. Ilie Màcelaru eut le courage de déclarer que l'union hâtive n'était pour les roumains qu'un acte arbitraire. De toute les lois votées par les hongrois tolérants celle connue sous le nom de loi XLIV est certes importante. Il y était dit qu'il existait une seule nation hongroise, unique et indivisible, quoiqu'elle comportât plusieurs nationalités, considérées en tant que communautés de langue à peine. Une seule langue était reconnue dans lEtat : le hongrois. Les autres nationalités en pouvaient pas utiliser la leur que dans la mesure où l'unité du pays et les possibilités pratiques du gouvernement et de l'administration et leur permettaient comme aussi dans la mesure requise par l'exercice ponctuel de la justice.

Au Parlement, le député roumain Anton Mocioni et le Serbe Svetzar Miletic votèrent contre. Ils proposèrent la reconnaissance des autres nationalités sur un pied d'égalité avec les hongrois, leur langue devant également être reconnue comme langue d'enseignement, et la mise en place aux universités de l'Etat de chaires pour la langue et la littérature des autres nationalités. Les débats furent orageux. On protesta contre cette "unio duarum nationum contra plures", contre les plans magyars de noyer les autres nationalités dans la masse hongroise. Les députés roumains et serbes furent amenés à quitter la salle et la loi fut votée.

La loi XXXVIII relative à l'enseignement octroyait aux congrégations religieuses et à d'autres personnes publiques et privées le droit d'ouvrir des écoles en langue maternelle. Le hongrois était cependant obligatoire et les programmes devaient être approuvés par le ministère de l'Instruction publique. Mais ce régime favorisant était réservé aux écoles primaires, aux lycées et aux écoles normales. Une seule langue était permise dans les universités : le hongrois. La loi électorale défavorisait la Transylvanie. Pour voter, l'électeur était tenu d'avoir un revenu égal au gain que 5 hectares de terre produisaient dans la Puszta hongroise. Or, en Transylvanie, une région de collines et de montagnes, la production était inférieure. De telle sorte qu'un paysan transylvain devait, pour voter, posséder 10-12 hectares. Les diplômés et les fonctionnaires pouvaient aussi voter, même si leurs revenus étaient inférieurs au plafond minimal. Cependant le nombre des fonctionnaires hongrois était infiniment supérieur à celui des fonctionnaires roumains. Les analphabètes n'avaient pas le droit de voter. Et l'on considérait analphabètes tous ceux qui ne parlaient pas le hongrois. En vertu de cette loi donc, les roumains, quoique constituant la majorité absolue de la population transylvaine, comptaient à peine 3,3% du total votants.

La loi de la presse prévoyait qu'une autorisation préalable était nécessaire et une caution de 2.500 à 10.000 florins, pour les publications à caractère politique et social. Toute infraction à cette loi et des réglements y attenants, entraînait la perte de caution et 2 ans au maximum de prison. Telles furent notamment les lois en Transylvanie jusquen 1918. Tous les gouvernements hongrois utilisaient ces lois comme bon leur semblait, en employant tantôt des méthodes plus douces, tantôt plus violentes, à cette seule fin : la magyarisation des autres nationalités pour transformer l'Etat multinational en Etat uninational : hongrois. Face à cette attitude, les roumains ne répondirent pas par la ruse, mais bien par la fermeté.

La fermeté, qualité qui leur fut léguée par les Daces et les Romains, est caractéristique aux roumains et c'est précisément grâce à elle qu'ils avaient résisté à tous les barbares jusqu'à la venue des hongrois -les derniers barbares- pour affronter bien des siècles toutes leurs tentatives furibondes de dépationalisation. Toutefois les transylvains, dans le cadre des lois, n'en continuèrent pas moins leurs activités politiques, culturelles et économiques. Le 26 janvier 1869, sous la présidence d'Alexandru Mocioni, fut ainsi constitué le Parti National des Roumains du Banat et de la Hongrie. Le 23-24 février 1869, à Miercurea Sibiului, furent jetées les bases du Parti National de Transylvanie, sous la présidence d'Ilie Màcelaru. Cette constitution ayant été notifiée au commisaire du gouvernement, le comte Emanuel Péchy, celui-ci interdit les parti se prévalant de la loi Magyare conformément à laquelle il n'existait qu'une seule nation : celle hongroise. Les autres nationalités avaient le droit de fonder des associations culturelles et économiques. Au plan politique, elles avaient seulement le droit d'organiser des conférences préélectorales.

Pendant la guerre d'indépendance de la Roumanie, les transylvains y participèrent tant avec leur âme qu'avec leur corps. La presse comme les comités féminins qui colectaient de largent, du linge et des effets sanitaires, soutenaient ardemment le combat de leurs frères doutre-monts. Mieux encore : des volontaires de Blaj, Oràstie, Fàgàras, des Monts Apuseni et de Tirnave prirent part aux combats de Plevna -et on ne saurait juger ceci comme ruse-, comme aussi Moise Groza du Banat, qui avait commencé la guerre au grade de capitaine pour la terminer avec celui de général. La chute de Plevna donna naissance à des manifestations dans la plupart des villes de Transylvanie. Le nombre des volontaires eût été énorme si les autorités Magyares en s'y seraient pas opposées. Une loi de 1878 institua le délit d'agitation contre la nation. En 1879, le ministre Trefort fit augmenter le nombre des classes en langue hongroise dans toutes les écoles, voire même les écoles privées. Les instituteurs étaient obligés d'apprendre le hongrois durant les quatre années à venir ; au cas contraire ils devaient être renvoyés de l'enseignement. Sous le gouvernement de Wekerle on recourut à une autre mesure : les officiers d'état civil exerçaient des pressions à l'encontre des roumains pour inscrire leurs enfants avec des noms hongrois ou des noms roumains magyarisés, ceux-ci étant de la sorte formellement enregistrés en tant que membres de la nation hongroise. Cependant les roumains ne se laissaient pas intimider et demandaient fermement que le nom de leurs enfants fût inscrit suivant leurs voeux : en roumain. Là où les pressions étaient plus fortes, ils donnaient des noms latins : Corneliu, Traian, Octavian Brutus, etc... si bien qu'en Transylvanie il y avait plus de Brutus qu'au temps de César et de Trajan à Rome. Est-ce que ce fut de la ruse ? Moi, je l'appellerais fermeté daco-romaine.

En 1881, à Sibiu, fut créé le Parti national roumain par fusionnement des deux partis précédemment cités. Ce parti inscriva dans son programme les points suivants : la reconquête de l'autonomie transylvaine ; l'emploi de la langue roumaine dans les écoles, l'admnistration et la justice dans toutes les régions à population majoritaire roumaine ; la nomination dans ces mêmes régions de fonctionnaires roumains ou des autres nationalités, à la condition que ces derniers parlent bien le roumain ; la révision de la loi des nationalités ; la lutte contre la tendance à la magyarisation forcés ; l'élargissement du droit de vote.

En 1892, le Parti national décida de publier un Mémorandum. Celui-ci devait paraître en roumain, en hongrois, en allemand et en français, grace en partie à laide octroyée par le ministre roumain Mihail Kogàlniceanu. Le Mémorandum fut rédigé par un groupe dirigé par Ion Ratiu, Ion Coroianu et Vasile Cucaciu. Il débutait en indiquant les raisons pour lesquelles l'union de la Transylvanie à la Hongrie, ne pouvait être accepté. On y faisait ensuite une critique juridique serrée de la politique magyare relative à la question nationale. Y étaient également analysées les lois électorales écolières, agraires, la loi de la presse.

Le Mémorandum fut remis à l'Empereur François-Joseph par une délégation de 300 personnes. L'Empereur refusa de la recevoir et fit envoyer le Mémorandum au gouvernement hongrois. Le Mémorandum fut publié et diffusé dans tout le monde avec l'appui de la Ligue Culturelle de Roumanie. Ses auteurs furent appelés en justice. Le procès se jugea à Cluj, du 7 au 25 mai 1894. Les prévenus refusèrent de se défendre. Ion Ratiu expliqua fermement au tribunal le motif de son refus : le Mémorandum avait été rédigé par des délégués légalement élus et exprimait les opinions politiques des Roumains. Cela signifiait qu'un peuple tout entier, et non pas quelques individus, était traduit en justice. Car aucune instance judiciaire du monde ne saurait avoir le droit de juger tout un peuple. Des peines allant de 1 à 5 ans de prison furent prononcées. Ion Ratiu fut condamné à 2 ans (sa demeure de Turda avait été dévastée), Gheorghe Pop de Bàsesti à une année et Vasile Lucaciu à 5 ans de détention. Mais cette fois l'arrogance magyare s'était trompée. L'écho de ce procés fut trop grand, vu qu'il se répandit dans toute l'Europe dépassant de ce fait les frontières de la Transylvanie et de la Roumanie. Un fort courant d'opinion sétait formé, des journalistes des écrivains, des historiens, des hommes politiques de l'Europe entière en écrivaient et protestaient. L'Empereur François-Joseph fut, en 1895, amené à grâcier les condamnés. Toutefois la ferme action des Transylvains en se limita pas au plan politique, car elle aborda tous les plans et notamment celui de la culture. Des livres, des brochures, des revues et des journaux furent publiés et des écoles, des bibliothèques, des sociétés culturelles furent mises en place -dont la plus importante et effective devait être Astra.

La tolérence magyare ne se déclara pas pour autant vaincue. Hormis la loi Trefort dejà citée, en 1907 sera promulguée la loi Appony, nettement plus draconienne. Cette loi imposa un nombre encore plus grand de classes en langue hongroise et, ce qui fut plus grave encore, on y imposais le hongrois en tant qu'unique langue d'enseignement du moment où une école était également fréquentée par quelques éléves magyars. En 1914, le gouvernement hongrois fit créer une zone culturelle dans toutes les régions de frontière à proximité de la Roumanie, mobilisa 400 instituteurs de la dite zone pour les envoyer au front, ferma les écoles et leur patrimoine passa dans la propriété de l'Etat. Quant aux lycées pendant les premières années du dualisme il en existait en Transylvanie 26, dont 16 étaient hongrois, 5 allemands et 5 roumains. Et aucune université roumaine. Cependant la fermeté roumaine, daco-romaine n'entendait pas céder. La plupart des paysans étaient analphabètes, mais ils appréciaient l'importance de la culture. Même s'ils en étaient privés, ils la réclamaient pour leurs descendants au moins. L'association Astra concentra en effet toute son activité à culturaliser le peuple. Sans aide aucune de l'Etat, elle réussit, au moyen des cotisations de ses membres à remplir la tâche qu'elle s'était assumée. Les listes de souscription lancées eurent un beau succès. Des contrats étaient passés par les paysans à court d'argent, par lesquels ceux-ci s'obligeaient de fournir annuellement une quantité de céréales au profit de la culture roumaine. Nombre de ces paysans, du fait qu'ils étaient illétrés, apposaient dessus leur doigt en guise de signature.

Tout au long de son histoire, le peuple magyar s'est caractérisé par sa tolérance vis-à-vis des étrangers... Dans la Hongrie d'avant-guerre, les fidèles des églises gréco-orientale et gréco-catholique avaient le droit de s'organiser en église serbe, roumaine et ruthène... Ces églises jouissaient dune autonomie complète en vertu de laquelle elles conduisait à leur bon gré leurs écoles de toutes sortes en les transformant en citadelles du sentiment national séparatiste... La vérité est que la Hongrie d'avant-guerre, considérée au point de vue des nationalités, était lun des pays les plus tolérants d'Europe... ("Justice pour la Hongrie").

Tolérance hongroise!!! 16 lycées pour une population minoritaire, celle hongroise, et seuls 5 lycées à l'intention de la population roumaine qui était en majorité absolue!! Et aucune université roumaine!!! "Tolérance" ? Oui. "Tolérance" entre guillemets, soit tolérance hongroise. Et ceci à la fin du XIX-e et au début du XX-e siècle!! A vrai dire au cours des siècles antérieurs les roumains n'avaient rien de rien. Tout pour les hongrois. Pour les roumains c'était la potence, le bûcher et le supplice de la roue!

III

LA HONGRIE BARBARE

 

A ce qu'il parait, les affirmations des chroniquers de ces temps lointains, en ce sens que les destructions provoquées par les hongrois furent encore plus terribles que celles des normands ou des arabes. Chez les scandinaves comme chez les musulmans on n'en voit pas de crimes comparables à celles dont les "Annales Fulda" parlent faisant référence à l'année 894 : Les hongrois massacraient des hommes de tout âge, des femmes et des vieilles femmes et enlevaient tel du bétail des jeunes femmes de Saxe pour se satisfaire avec elles leurs instincts primitifs. Ils saccagèrent également l'entière Pannonie, où, en 906, ils firent traîner des femmes nues attachées à leurs nattes. L'impression est celle d'une vague d'attaques déchaînée par un peuple totalement barbare qui, au contact d'un monde inconnu, donne libre cours à ses instincts les plus bas. Ces lignes ne sont pas écrites par un Valaque, ni même par un pro-valaque. On peut les retrouver dans l'ouvrage "La alta edad media", p.18, de Jan Dhondt, professeur à l'Université de Gand et ancien recteur de lUniversité d'Elisabeth-ville.

On y parle des exploits civilisés que les hongrois avaient perpétrés en Europe occidentale et en Pannonie. Rien n'y est dit quand à leur comportement en Transylvanie. Et ceci du fait qu'en Transylvanie il n'y avait pas de chroniqueurs à même de consigner pour la postérité les actes civilisés des derniers envahisseurs asiatiques. Pourrait-on donc supposer tant soit peu que leur comportement en Transylvanie ait été différent ? Néanmoins on pourrait y répliquer que le fait de reprocher des actes perpétrés un millier dannées auparavant n'est pas légitime. Et pourtant, le journal "Pesti Hirlap" du 15 avril 1932 écrivait : Si nous, les hongrois, ré-occupons le pays, les nationalités devront s'accommoder à la situation. Nous ne répéterons pas les fautes commises par les hongrois d'autrefois. Les Daco-Romains devront disparaître sur ce territoire. Et ils ne manquèrent pas de tenir parole, et même à profusion.

On connait bien les événements ayant débouché sur la seconde conflagration mondiale. S'avoisinant à l'est avec une Russie soviétique hostile, laquelle n'avait pas renoncé à son rêve de dominer les Balkans, enserrée par deux Etats carrément révisionnistes -Hongrie et Bulgarie-, la Roumanie voyait s'écrouler progressivement toutes ses alliances politiques et militaires. Et voilà qu'une conjoncture politique favorable remettait, en 1940, en question ce qui paraissait avoir été statué pour l'éternité en 1920. Restée toute seule, menacée de tous côtés, la Roumanie fut amenée à céder devant la force. De sorte qu'en juin 1940, à la suite d'un ultimatum soviétique, on lui arracha le territoire de lest Bessarabie. Encouragée, la Hongrie réclama l'extension de sa frontière sur les Carpates et finit, le 30 août de cette même année, à travers le fameux diktat de Vienne, par s'annexer la partie nord de la Transylvanie ayant une population de 1.400.000 roumains et 900.000 hongrois. Le diktat, loin de mettre un terme au conflit, ne fit qu'accroître les prétentions magyares : Si l'on me demande en tant que magyar ce que nous révendiquons, je ne saurais déclarer rien qu'un mot : Tout!, cest ce que disait le premier ministre Teleki, cependant que le régent Horty, faisont état des hongrois demeurés en Roumanie, exprimait son espoir de voir prendre fin leur calvaire à eux (voir "Pesti Hirlap" du 8 septembre 1940 et Nemzety Ujsàg du 16 septembre 1940).

En Transylvanie cédée, la plupart des roumains restèrent sur place sur leurs terres à eux, sur les mêmes terres qu'ils navaient point quittées un millier dannées auparavant lorsqu'ils furent envahis par la peuplade totalement barbare de Tuhutum. On aurait pu penser que rien de plus n'arriverait, ou à peu près rien, puisque l'occupation, imposée suivant la convention, mais en fin de compte signée, devait être le fait de l'armée hongroise et il était à supposer qu'une armée au XX-e siècle serait une armée civilisée, surtout que l'occupation se faisait à froid, sans échange de feux à même de mener à une perte de sang ou de raison. Pourtant erreur! Rien que durant la première centaine de jours de l'occupation, jusqu'au 9 décembre 1940 donc, cette armée civilisée, à laquelle s'ajoutaient les organisations paramilitaires Rongyosgàrda, Levente, Tüzharcosok, etc., déclenchèrent une terreur en rien inférieur à celle décrite dans "les Annales Fulda". Dans l'intervalle il y eut 919 personnes tués et plus de 200.000 personnes s'enfuirent dans la Transylvanie nonannexée. Soit 15% de la population.

Le 9 septembre 1940, les troupes magyares entrèrent dans le village de Tràsnea et ouvrirent aussitôt le feu au moyen de fusils, mitrailleuses, grenades et... canons. Près de 100 personnes furent tuées, dont plus de 30 femmes et nombre d'enfants en dessous de 12 ans. Les massacrés : Indries Todor, 44 ans, fusillé à la tête, Birjoc Gherasim, 67 ans, fusillé à la poitrine; Bîrjoc Maria, 81 ans, fusillée à la tête ; Pop Nicolae, 32 ans, fusillé à la poitrine ; Brumar Nicolae, son épouse Margareta et leurs enfants Aurica et Victoria, tous fusillés ; Gabor Vasile, 18 ans, fusillé à l'estomac ; Pernes Gavril, 33 ans, fusillé et puis brulé ; Blaj Vasile, 23 ans, fusillé à la tête ; Seredan Maria, 61 ans, percée à coups de baïonnette ; Blaj Nastasia, 41 ans, fusillée et puis brûlée ; Bîrjoc Maria, 61 ans, fusillée à la tête ; Bîrjoc Ana, 38 ans, percée à coups de baïonnette, autant que son enfant Bîrjoc Gherasim de 7 ans ; Dràgan Ludovica, 31 ans, quoique enceinte, fut percée à coups de baïonnette et ses deux enfants, Ion de 2 ans et Tedor de 9 ans, le premier tué à la grenade, le second fusilé ; Bàrcan Gavril, 31 ans, percé à coups de baïonnette ; son épouse Floarea, 28 ans, percée à coups de baïonnette ; enfin, Carabà Dànilà, Nàrgàros Vasile ; Crisan Nàstase ; Cure Vasile ; Cure Ana ; Màlàes Ana ; Sabo Ana ; Lazàr Ana ; Lazàr Angela ; Ghiurutan Ana ; Ionutas Gavril ; Blaj Dànilià ; Indres Ana ; Selejan Gavril ; Blindas Dumitru ; Sabo Nastasia ; Sabo Iuliu ; Sîntàhàrean Ion ; Sabo Vasile ; Dàrjan Nina ; Jurcan Ion ; Bîrjoc Ion ; Burman George ; Hus Vasile ; Negrean Ana ; Dîrjan Alexandru ; Dîrjan Ana ; Jurcàu Ion ; Dràgan Ana ; Hus Floarea ; Indries Gavril ; Dànilà Ana ; Costea Traian, prêtre ; Romitan Nastasia ; Guibius Niculae ; Vlaicu Gavril ; Puscas Vasile ; Gotma Lazàr ; Groz Aurelia, institutrice ; Opris Gavril ; Cuibus Niulae. Comme on voit, des vieux, des vielles, des femmes, des femmes enceintes, enfants d'au moins 2 ans et les notabilités du village ; l'institutrice et le prêtre. Le prêtre Costea fut fusillé à la tête, puis traîné sur la véranda de sa maison où il brûla, maison comprise. L'insituteur Ion Costea et son épouse, qui s'étaient échappés a désastre, furent fusillés, une semaine plus tard entre les communes Bodia et Agris, par les gendarmes, sous prétexte d'avoir tenté déchapper pendant qu'ils étaient transportés sous escorte.

Ni même la circonstance atténuante dune folie momentanée ne saurait être invoquée : l'instituteur et son épouse, ayant échappé pour le moment, seront tués une semaine après sous l'étrange prétexte de s'être échappés à l'escorte. Toujoujrs dans le département de Sàlaj, dans la commune d'Ip, durant la nuit du 13 au 14 septembre, des soldats dirigés par Nemzetör, attaquèrent et massacrérent 155 roumains, hommes et enfants tout en saccageant leurs maisons. Les cadavres furent enterrés dans une fosse commune, sans assistance religieuse.
Nous possédons des données exactes quant aux noms des femmes, hommes et enfants tués dans tous les départements de Transylvanie et non pas seulement du Sàlaj. Il faut néanmoins y ajouter les arrestations et les internements dans les camps de concentration. Le nombre des arrestations s'élevaient le 30 octobre 1941 à 13.339. Les prisons des tribuneux de Satu-Mare, Carei, Tîrgu-Mures, Zalàu Gherla, Sighet, Baia-Mare, Sf. Gheorghe, Cluj, Oradea, etc. regorgeaient de daco-romains. Sur le territoire de la Hongrie, à Seghedin, Debretin, Budapest, Békéscsada, Püspöàlodany, etc., des camps furent créés à leur intention. Le régime dans les prisons et les camps était barbare. Les insultes et les raclées étaient monnaie courante. La nourriture ? Pour se moquer deux on leur donnait des aliments altérés. Les prisons et les camps étaient en outre des centres de chantage. Nombre d'entre eux étaient mis en liberté à condition de renoncer de leur gré à la citoyenneté magyare et de se rendre en Roumanie. D'aucuns étaient expulsés. Le montant des personnes expulsées était, le 30 octobre 1941, de 12.595. Certains étaient expulsés sans qu'aucune motivation leur fût fournie. On cite à ce propos le cas d'expulsion de nombreux Roumains, suite à l'ordre no. 385 du 4 octobre 1940, du commandement militaire de la ville de Cluj... D'autres en furent expulsés sous prétexte de ne pas inspirer confiance. Ainsi on cite l'ordre d'expulsion no. 449 du 4 octobre 1940 du commandement militaire de l'arrondissement de Salonta, expédié au prêtre Alexandru Hurban de Màdàras, département de Bihor. D'autres seront expulsés en raison de leurs attaches roumaines.

Et tout ceci n'étaient que l'aboutissement de plans établis d'avance. On poursuivait en effet à faire disparaître les daco-romains sur ce territoire, tel que le journal Pesti Hirlap l'avait préconisé. Ces plans envisageaient l'anéantissement de tous les dirigeants possibles des daco-romains, l'anéantissement de l'Eglise, des écoles, des évêques, des instituteurs, des prêtres, de telle sorte que ce sacré élément daco-roman fût privé de ses dirigeants. Aussi ne tarda-t-on pas d'expulser : l'évêque Nicolae Popovici dOradea et le Dr Iosif Popp, abbé romano-catholique de Sînjob, département de Bihor. On defendit de regagner la résidence et on refusa la citoyenneté magyare à l'évêque gréco-catholique Dr Valeriu Traian Frentiu dOradea. L'évêque Nicolae Colan de Cluj fut appelé devant la commission de recrutement et après qu'il eut été mesuré, il dut prêter le serment des conscrits... Furent donc expulsés : 12 prêtres orthodoxes du diocèse dOradea ; 7 prêtres du diocèse gréco-catholique du Cluj ; 6 de celui gréco-catholique d'Oradea ; 2 de celui gréco-catholique de Baia-Mare.

Furent amenés à se réfugier après avoir été arrêtés et maltraités : tous les prêtres orthodoxes de la région des Szeklers ; presque tous les prêtres (65 environs) du diocèse orthodoxe de Maramures ; 56 prêtres uniates de la région des Szeklers ; 42 prêtres orthodoxes du diocèse dOradea ; 30 prêtres orthodoxes du diocèse de Cluj ; 28 prêtres du diocèse uniate de Cluj ; 33 prêtres du diocèse uniate dOradea ; 17 prêtres du diocèse uniate de Baia Mare ; enfin, 35 prêtres du diocèse orthodoxe de Cluj se réfugièrent avant l'arrivée des troupes magyares.

Furent tués : l'archiprêtre orthodoxe Aurel Munteanu de Huedin ; le prêtre Traian Costea, déjà citè ; le prêtre uniate Andrei Bujor de la commune Muresenii de Câmpie (Cluj). Furent maltraités, puis emprisonnés : le grand vicaire de l'évêché orthodoxe du Maramures ; 12 prêtres du diocèse orthodoxe de Cluj ; 8 du diocèse orthodoxe dOradea ; 16 de l'évêché uniate de Baia-Mare ; 15 du diocèse uniate d'Oradea. Furent maltraités : presque tous les prêtres du diocèse orthodoxe de Maramures ; 3 du diocèse uniate de Cluj ; 15 uniates de la région des Szeklers ; 4 du diocèse uniate d'Oradea. Suite au licenciement de tous ses enseignants, l'Académie théologique orthodoxe d'Oradea dut fermer ses portes. Le nombre de celle de Cluj fut réduit à deux enseignants. La société Astra vit saisir ses biens : le Palais culturel de Reghin, départements de Mures ; le foyer culturel de la commune de Goreni, département de Mures ; le parc des sports de Cluj.

Furent démolies au ras du sol les églises suivantes :

A) Orthodoxes : Borsec, département de Mures ; Biborteni, département d'Odorhei ; Càpeni, département de Trei Scaune ; Colmalàu, département de Trei Scaune ; Vîrghis, département d'Odorhei ; Racosul de Sus, département d'Odorhei ; Sàlard, département de Bihor.

B) Gréco-catholiques : Ocland, département d'Odorhei ; Cràciunel, département d'Odorhei ; Meresti, département d'Ordorhei ; Ditràu, département de Ciuc ; Pànet, département de Mures ; Sânmartin, département d'Odorhei.

Furent partiellement démolies : l'église orthodoxe de Borosneul Mare, département de Trei Scaune ; l'église uniate de Moftinul Mare, département de Sàlaj. Furent dévastées les églises orthodoxes d'Aita Medie, département de Trei Scaune ; Belin, département de Trei Scaune ; Bicsad et Ozun, département de Trei Scaune. Furent avariées les églises uniates dAldea, département d'Odorhei ; Màdàras, département de Cluj. Les hongrois romano-catholiques s'emparèrent de force de l'église orthodoxe de Chichis, département de Trei Scaune. Les fondements de l'église uniate en construction à Dej furent rasés. Les églises orthodoxes de : Miercurea-Ciuc ; Gheorghieni, département de Ciuc ; Praid, département d'Odorhei -furent transformées en dépôts. L'église uniate de Bicaz -Centre, département de Ciuc, fut transformée en caserne. En outre furent fermées les églises orthodoxes de Bihor ; Posiori, département de Bihor ; Marghita, département de Bihor ; Episcopia Bihor ; la chapelle orthodoxe de la cour de l'hôpital département de Bihor. A arded, département de Satu-Mare, les hongrois firent arrêter la poursuite des travaux à la nouvelle église et chassèrent les ouvriers. A Urziceni, département de Satu-Mare, les hongrois interdirent de force la célébration de la messe en roumain.

A Ghenciu, département de Satu-Mare, les hongrois brisèrent les vitres de l'église. A Càplani, département de Satu-Mare, les hongrois en brisèrent également les vitres. A Ràdulesti, département de Sàlaj, la chapelle roumaine fut transformée en école par le prêtre réformé. A Lucàceni, département de Sàlai, les hongrois brisèrent les vitres, tandis que les fidèles roumains furent battus pendant la messe et renvoyés par force de l'église. A Oradea-Gràdini, les hongrois empêchèrent l'office du service religieux en roumain en entrant dans l'église où ils vociférèrent et chantèrent en hongrois. La totalité des fidèles orthodoxes de 8 paroisses de la région des Szeklers et la majorité des fidèles orthodoxes des autres 8 paroisses furent forcés à passer aux confessions magyares.

Furent convertis par la force les fidèles orthodoxes de Maramures dont les paroisses furent démantelées.

Furent de mêmes convertis en grande partie à la religion romano-catholique ou réformée les fidèles uniates des paroisses de Sovata Voslàbeni, Izvorul Muresului, Aita Seaca, Bilbor. Hodosa-Ciuc, Bicaz-Chei, Sântandrei, Meresti, Bolintineni, Bezidul Nou, Tirimiora Odorhei, Màrtinis, Ciuc-Sîngeorgiu, Baraolt, Sardul Nirajului, Cràciunesti, Pàsàreni, Roteni, Troita, Isla, Ilioara, Culpiu, Herghelia, Moisa, Ghimes-Fàget, Cosnea, Chiesti, Cason-Imper, toutes de la région des Szeklers. Et ensuite 3234 fidèles roumains uniates de 49 paroisses tenant de l'évêché uniate de Maramures, 2.214 fidèles roumains uniates tenant de l'évêché uniate d'Oradea. La conversion aux confessions magyares visait généralement les personnes contre lesquelles des pressions pouvaient être exercées et dont le pain quotidien était menacé.

Il convient de noter que le Saint-Siège désavoua publiquement et fit arrêter la campagne magyare de conversion forcée des fidèles roumains gréco-catholiques à la religion romano-catholique, par le décret publié en "Acta Apostolicae Sedis" du 18 février 1941. En maintes communes les roumains furent provoqués à changer le style roumain des églises. On cite à ce propos les cas de la commune d'Urmenis, département de Mures, et de la commune de Cràesti du même département.

Moyennant le décret publié dans Budapesti Közlöni (le moniteur officiel magyare) no. 84 du 13 avril 1941, le gouvernement magyare créa un évêché orthodoxe magyare, malgré l'absence d'orthodoxes dans les rangs de la population d'origine ethnique magyare. A sa tête fut nommé un ecclésiastique russe réfugié, Mihai Popoff, défroqué par le Sinode épiscopal de l'Eglise orthodoxe russe à l'étranger. Le but apparent de la mise en place de cet évêché était en effet la magyarisation des fidèles orthodoxes roumains.

A son tour, l'enseignement roumain de la Transylvanie du Nord reçut des coups mortels. La majorité des instituteurs et des professeurs roumains furent forcés à se réfugier. La plupart d'entre eux partirent seulement après avoir été brutalisés et maltraités ou bien gravement menacés de mort. Aussi, 3.982 du total des 4.700 instituteurs et institutrices en fonction jusqu'au 30 août 1940 dans les écoles primaires d'Etat en Transylvanie du Nord furent-ils obligés de quitter leurs foyers et à se réfugier. Par ailleurs, tous les instituteurs et professeurs restés sur place ne furent pas engagés par l'Etat magyar. En outre, certains des engagés furent démis quelques semaines ou mois plus tard, alors que d'autres en furent transférés au courant même de l'année scolaire en différentes localités dans les recoins les plus éloignés de la hongrie. 558 professeurs et maîtres secondaires titulaires et remplaçants furent également chassés. Du total de 800 enseignants roumains avant le Diktat de Vienne en restèrent donc 162 à peine. Cependant la plupart de ces derniers, furent mis en retraite ou renvoyés sous divers prétextes.

Quant à l'enseignement primaire, nous citerons quelques exemples du département de Somes :

Dans la commune de Gârbàu comptant 300 élèves roumains, il n'y avait pas décole roumaine et donc les élèves furent forcés de suivre les classes de l'école hongroise. A Ocna-Dejului, 247 élèves roumains, une école hongroise, aucun instituteur roumain. Dans la commune de Ràscruci, 240 élèves roumains, une école hongroise, aucun instituteur roumain. Dans la commune de Surduc, 220 élèves roumains, une école hongroise, aucun instituteur roumain. Dans la commune de Ciocmai, les 220 élèves roumains ne fréquentèrent pas l'école faute d'instituteur.

Et maintenant le département de Mures : Toplita -une commune purement roumaine, 6.000 habitants, 800 élèves roumains, aucun instituteur roumain. Dans les communes Stânceni, Ràstolita, Deda-Bitra, aucun intituteur roumain. Deda, 300 élèves roumains, aucun instituteur roumain. En revanche, dans la même commune il y avait bien 4 instituteurs hongrois pour 5 élèves hongrois et 4 élèves juifs etc...

Nous possédons encore un vaste matériel et nombre d'autre photos, néanmoins notre dessein a été non pas de rédiger un livre, mais une simple brochure en réponse à une propagande magyare aussi bruyante qu'injuste. Nous y avons voulu démontrer qu'aucune Hongrie millénaire ou bien tolérante n'avait existé, rien qu'une Hongrie barbare.

IV

EGALITE NATIONALE

 

Les roumains ne cherchèrent pas cependant à se venger des souffrances endurées. Lors de l'union de la Transylvanie à la mère patrie Roumanie, le 1-er décembre 1918, ils déclarèrent par ailleurs leur détermination de ne pas devenir à leur tour des oppresseurs. Et ils n'ont pas manqué de tenir parole.

Néanmoins, suivant la propagande révisionniste et irrédentiste magyare intéressée à la réfection de la soit-disante grande Hongrie, mutilée par le diktat de Trianon, la Roumanie de l'entre-deux-guerres aurait mis sur pied un affreux régime d'oppression nationale visant à anéantir les millions de hongrois roumains, au moyen de vexations législatives et administratives de toutes sortes comme d'une politique formelle aboutissant à leur dénationalisation et roumanisation. Rien de plus inexact et de plus faux que cela. Voulant précisément laiser les faits parler deux-mêmes, nous allons rappeler quelques exemples relatifs aux traitements sauvages que la grande Roumanie avait appliqués à ses minorités :

- par la loi agraire de 1921, outre les 317.833 paysans roumains, 46.069 hongrois et 24.815 allemands se voyaient distribuer des terres ;

- de 1932 à 1938, 26.345 étudiants dont 16.541 roumains, 5.376 hongrois et 1.440 allemands firent leurs études à l'Université de Cluj. Les étudiants hongrois constituaient donc 32% du total des inscrits, quoique à l'époque les hongrois n'eussent formé que 24% de la population de Transylvanie ; - 5.627 journaux et diverses publications en hongrois (676 quotidiens et 996 hebdomadaires) parurent, de 1919 à 1940 en Transylvanie. A titre de comparaison, 15 quotidiens à peine étaient, avant l'Union, imprimés en Hongrie.

Des exemples de la sorte, on peut en trouver dans tous les domaines de la vie politique, économique, culturelle et religieuse etc. On pourrait pour autant se demander : Où peut bien y être la politique de roumanisation, d'exactions et d'oppression ? Ce problème réclamerait en fait une ample incursion historique laquelle serait à même de témoigner que le peuple roumain, essentiellement généreux et justiciable, n'avait jamais oppressé qui que ce soit et que la discrimination raciale autant que les persécutions nationales ne caractérisent pas son identité morale et politique.

Effectivement on ne saurait en l'occurence parler d'une politique d'Etat roumaine d'oppression des hongrois en Roumanie à l'entre-deux-guerres, comme ce fut le cas dans la hongrie horthyste, où furent liquidés même les rares élèments roumains qui y demeurèrent après le traité de Trianon (1920). Si les hongrois auraient étè, en Roumanie, persécutés à entre les deux-guerres, on pourrait poser la question que ceci : combien de manifestations publiques contre l'oppression nationale eurent lieu à cette époque-là ? Certes, aucune. Est-ce qu'ils avaient, les hongrois de Roumanie, des raisons à faire des manifestations publiques alors qu'ils jouissaient d'une vie économique et culturelle florissante ?

Cependant qu'elle est aujourd'hui la situation des minorités en Roumanie ? Parmis les problèmes surgris tout au début, après la libèration en octobre 1944 de la Transylvanie, se plaçait avec acuité -encore que ce ne fût un problème spécifiquement roumain- la solution de la question nationale. Des mesures énergiques devaient être prises en vue d'un retour à la normale dans cette partie de l'Europe tellement mise à l'épreuve : l'assurance de la pleine égalité en droits de tous les habitants du pays ; la réglementation de problèmes spécifiques aux minorités ; le développement de l'amitié et de la fraternité entre le peuple roumain et les minorités. Partant de l'engagement solennel pris à Alba-Iulia lors de l'union de la Transylvanie à la Roumanie, faisant valoir que les roumains, pour oppressés qu'ils eussent étè, n'allaient pas, eux, devenir des oppresseurs, le gouvernement roumain ne tarda pas d'abroger les lois racistes et la discrimination nationale, de proclamer et garantir l'égalité civique et politique envers la loi, sans distinction de race, de langue, de nationalité ou de religion. Furent également instituées des peines pour incitation à la haine de race nationale, pour propagande nationaliste-chauvine et pour toute manifestation visant à restreindre l'exercice des droits. Dès lors, les gouvernements de la Roumanie manifestèrent conséquement une solicitude particulière quant à la situation des nationalités cohabitantes-t'elles que les minorités sont appelées dans ce pays-, à l'effet d'éliminer tout élément pouvant engendrer des tensions dans les rangs des groupes ethniques. Quels sont donc les principes de la politique roumaine dans ce domaine ? Après analyse de la législation mise au jour depuis 1944, il convient d'apprécier que les autorités roumaines ont toujours eu en préoccupation d'attirer les minorités roumaines à la vie politique et de les voir représentées dans tous les organismes politiques, administratives, etc., proportionellement à leur poids dans l'ensemble de la population.

Il n'existe par ailleurs aucun texte de lois qui puisse concéder ou bien faciliter une distinction quelconque entre les citoyens roumains. Tout au contraire, on y met en avant l'égalité des roumains, des magyars et des autres nationalités. La composition elle-même du Parlement roumain -la Grande Assemblée nationale- est concluante quant au mode d'envisager la question nationale en Roumanie : conformément aux élections de mars 1980, du total de 369 députés, 29 sont des magyars, 6 sont des allemands et 2 sont d'autre nationalité. Cette représentation tenait précisement compte du recensement de la population en 1977, lorsque sur 21.559.416 habitants 88,137% avaient la nationalité roumaine et les autres nationalités étaient au nombre de 2.557.695 (11,863%). Les mêmes rapports équitables se retrouvent à l'échelon des organismes locaux -les conseils populaires : sur 61.340 députés élus dans ces conseils, 5.256 étaient des Magyars, 1.125 des allemands, 646 d'autres nationalité. Il y a en outre les soit-disant conseils des travailleurs de nationalité magyare et allemande, en tant qu'organismes politiques représentant les intérêts à niveau national de tous les membres des groupes ethniques en question, lesquels sont consultés à propos des problèmes les plus importants de la vie politique et sociale.

Certes, seuls les principes -si généreux qu'ils soient- ne se suffisent pas à eux-même. Nul pays du monde ne saurait tout resoudre par le biais de ses seuls députés. Voyons donc comment vivent concrètement les citoyens roumains d'autre nationalité, quelles sont les conditions de vie qu'ils se voient offrir en Roumanie de nos jours.

L'homme, où qu'il se trouve sur la Terre, a besoin d'une source de revenus, d'un emploi pour gagner son pain quotidien. La politique économique de Bucarest fait très souvent état du développement harmonieux de tous les départements du pays, de la répartition judicieuse des implantations industrielles sur l'entier territoire. Il est évident qu'une seule telle politique ne fait pas qu'éviter la migration de la main d'oeuvre, elle stimule aussi l'expansion de certaines régions du pays moins favorisées. Prenons pour exemple deux départements, Covasna et Harghita, où les magyars sont en majorité. Vu leur retard économique, le taux des investissements y a été supérieur à celui des autres départements, à dessein d'accélérer leur progrès. Les Szeklers, qui devaient jadis se déplacer en d'autre contrées du pays pour trouver un emploi, sont enclins à présent à quitter les grandes villes, tel Brasov, et à regagner leurs terres natales. Il est notoire que tout groupement ethnique accorde une importance particulière à cultiver son identité nationale. La Roumanie aujourd'hui n'y fait point exception.

Un domaine sensible dans les Etats où vivent des minorités est précisément celui de l'enseignement en langue maternelle. Chose naturelle en quelque sorte, du fait que c'est l'école qui se soucie de cultiver ce moyen d'expression -la langue- qui constitue a demeurant la preuve de l'appartenance d'une personne à tel ou tel groupement ethnique. En effet, qu'est-ce qu'on constate en Roumanie, à la lecture de l'Annuaire statistique et des publications officielles ? Premièrement, les enfants d'autre nationalité que la roumaine peuvent apprendre en leur propre langue aux garderies, écoles d'enseignement primaire et secondaire, lycées, aussi bien que dans les établissements d'enseignement supérieur. Au cours de l'année scolaire 1978-1979, il y avait 1.550 écoles et sections enseignant en langue hongroise, pour lesquelles 162 manuels en hongrois, à un tirage de 1.591.640 exemplaires, avaient été gratuitement édités et distribués. La même année, les cours du jour dans l'enseignement supérieur étaient fréquentés par 7.000 étudiants magyars à peu près, tandis que, pour 48 spécialités que 5 établissements dispensaient, les cours étaient suivis autant en roumain qu'en hongrois. Ajoutons y 370 unités et sections scolaires où l'on enseigne en langue allemande, comme aussi 106 utilisant les langues d'autres nationalités.

Les minorités de Roumanie peuvent également cultiver leur langue par écrit. On y trouve en effet une maison d'édition spécialisée, Kriterion, à part les autres maisons roumaines qui impriment, elle aussi, des livres dans les langues minoritaires. Pour subvenir aux nécessités, ces dernières cinq années plus de 1.200 titres de livres en langue magyare ont été importés de la Hongrie. 52 diverses publications sont en outre imprimées dans les langues des minorités, dont seul le hongrois compte 32 (un quotidien central et 4 départementaux, 13 hebdomadaires, 8 mensuelles, etc.). Les stations de radio diffusent par ailleurs tous les jours des programmes en hongrois et en allemand, et la télévision émet chaque semaine un programme de deux heures et plus. N'oublions pas également qu'il y a en Roumanie des institutions culturelles et artistiques réservées exclusivement aux minorités : un opéra magyar à Cluj, 6 théâtres dramatiques magyars et des sections (à Cluj-Napoca, Oradea, Tg. Mures, Sf. Gheorghe, Timisoara, Satu-Mare), 3 théâtres magyars ou des sections de ces derniers (Cluj-Napoca, Oradea et Tg. Mures). Pour former les cadres artistiques nécessaires, un Institut d'art dramatique Szentgyörgyi-Istvàn fonctionne à Tg.Mures.

Quant au domaine du culte, là aussi les minorités de Roumanie ne sont guère handicapées par rapport à la population roumaine majoritaire, bien au contraire. Dans les églises hongroises de toute confession, le service religieux est officié régulièrement, les prêtres hongrois formés en des facultés d'enseignement théologique prêchent en langue hongroise et ces mêmes églises bénéficient, pour ce qui est de leur réparation ou restauration de l'appui financier de l'Etat...

En faisant donc le point de ce qu'on vient de présenter ci-dessus sur la situation des groupements ethniques, on se demande bien où en est l "ethnocide culturel", le genocide et la barbarie dont tous les hongrois parlent à propos de la Roumanie, pourquoi les réalités sont-elles mystifiées et qui trouve son intérêt à provoquer des remous nationalistes et chauvins en Roumanie? Pourquoi Bucarest ne montre-t-il pas la vérité ? Et surtout pourquoi les Roumains libres en exil en font pas cause commune contre l'iredentisme hongrois ?

Ce sont là des questions dont la réponse est aisée, mais que l'on se doit de la faire connaître à tous, à cette seule fin qu'on sache et qu'on fasse attention à ce que la Transylvanie, loin d'être pour les Roumains un bout quelconque de terre, est le berceau même du "roumanisme" et corps du corps de la Patrie telle quelle fut reconstituée en 1918, dans les limites de l'ancienne Dacie ancéstrale.

"Et la Patrie est une et indivisible!"

N.S. GOVORA
Colectia "CARPATII", Madrid, 1981

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